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2025 un nombre fascinant 
c’est 45², 
c’est aussi 9² x 5², 
mais aussi 40² + 20² + 5², 
ou encore 1³ + 2³ + 3³ + 4³ + 5³ + 6³ + 7³ + 8³ + 9³ 
et aussi  (1 + 2 + 3 + 4 + 5 + 6 + 7 + 8 + 9)²
Donc 2025 qui se décompose de multiples façons, à nous d’en trouver les combinaisons cachées !

Tous mes meilleurs voeux  dans ce monde dans lequel, début 2025, les 20 plus grosses entreprises au monde cumulent une capitalisation de 27802 milliards de dollars, soit les PIB cumulés du Brésil, de la Russie, du Canada, de la France, du Royaume-Uni, de l’Inde, de l’Allemagne, du Japon et de la Belgique.
Bienvenue dans ce monde de consommation et de capitalisme dont l’objet emblématique est la carte bancaire. 
Bienvenue dans ce monde détestable dans lequel Visa et Mastercard se partagent des profits records. Ainsi, Visa a enregistré un taux de marge de 55% en 2024, dégageant un profit de près de 20 milliards d’euros. Pourquoi ? Parce qu’à chaque fois qu’on paie par carte, le commerçant doit s’acquitter d’une commission auprès de sa banque. Et cette commission dépend de trois éléments : la commission interchange, les frais de réseau et la marge de la banque. Depuis 2015, la commission interchange est plafonnée par la loi entre 0,2% et 0,3%. Mais ce n’est pas le cas des frais de réseau, qui ont fortement augmenté ces dernières années : + 75 % entre 2016 et 2021 et + 50 % entre 2020 et 2024. Pourquoi ? Eh bien, pourquoi pas ? Visa et Mastercard traitent 80% des transactions bancaires, ce qui leur permet d’introduire de plus en plus de frais, sachant que les commerçants n’ont pas d’autres options que de les payer. 
Bienvenue dans ce monde merveilleux dans lequel ces entreprises ont mis en place un impôt féodal. Un impôt qui augmente les frais bancaires qui donc augmentent les coûts pour les commerçants, et qui donc les répercutent sur les prix, et donc impactent directement les consommateurs. 
Bienvenue dans ce monde merveilleux dans lequel une petite classe de parasites financiers ont verrouillé un système leur permettant de ponctionner toutes les transactions. 
Bienvenue dans les Nowakowskismes, sur cette Terre, le seul endroit dans l’univers connu où la vie est possible, la 3e planète du Système Solaire accroché au Bras d’Orion au coeur de la Voie lactée qui fait partie du Groupe Local qu’on nomme ici Laniakea signifiant « paradis incommensurable » ou « horizon céleste immense » en hawaïen, Laniakea, ce superamas de galaxies englobant le superamas de la Vierge, dont fait partie la Voie lactée, et donc la Terre.
Bienvenue dans les Nowakowskismes, cette zone de haute densité de lutte.
Bienvenue dans les Nowakowskismes, le rendez-vous de la liberté, de la pensée, de la vie digne, les Nowakowskismes rappellent sans cesse qu’il faut mobiliser ce qui nous lie, ce qui nous tient ; les Nowakowskismes rappellent sans cesse que c’est notre humanité retrouvée qui nous sauvera tout entier… 
Ce soir les Nowakowskismes ouvrent vers le sabotage, vers le moins faire intelligent, parce que saboter c’est amorcer une révolution qui baille, qui sieste, qui traîne les pieds, saboter c’est opposer une résistance passive contre la croissance ; saboter c’est une reprise de contrôle face au rythme effréné de ces algorithmes qui nous ordonnent de détruire le monde. 
En fait, ce soir les Nowakowskismes sont une ode à l’antiproductivisme vers un imaginaire qui serait une ode au laisser-être au lieu de transmettre, au « peser » le moins possible tant sur l’entourage environnant que sur les générations à venir, jusqu’à organiser l’oubli de soi en un imaginaire qui s’oppose à tout ce qui régit ce monde merveilleux de ce premier quart du XXIe siècle ! 

Bienvenue en 2025, ça y est, nous avons passé le premier quart de ce XXIe siècle. Quand je pense à quand j’étais gosse, nous rêvions de l’an 2000, d’un monde beau, meilleur, respectueux du vivant, accueillant pour tous les humains, partout dans le monde, un monde ouvert et base d’une aventure de l’humanité dans l’intelligence et le respect. 
Et puis l’an 2000 est venu, et puis quoi ? Ben ce monde ! 
Bienvenue dans ce monde merveilleux dont les piliers de l’économie sont la consommation, la prédation, le désastre !
Bienvenue dans ce monde merveilleux de ce premier quart du XXIe siècle où en consommant toujours plus, une partie de l’humanité soutient cette économie et contribue massivement à ruiner les ultimes parcelles d’habitat original en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud, à faire disparaître des pans entiers du vivant, à voir disparaître les glaciers, la banquise, … 
Bienvenue dans ce monde merveilleux dans lequel le bonheur ultime est de pouvoir acheter des écrans de deux mètres de large, des smartphones, des oreillettes connectées, des box, … acheter tous ces beaux équipements érigés en synonyme de la modernité et du confort qui consomment une quantité incroyable d’énergie, même quand ils ne sont pas allumés ! 
Mais c’est très bien, et tout va bien parce que c’est pour ça qu’on chasse de chez eux des populations entières, c’est pour ça que de grandes entreprises citées en modèles de ce système vont pouvoir faire sauter à la dynamite des collines et des forêts, dévaster des territoires entiers, mettre en quasi esclavage des hommes, des femmes et des enfants, pour alimenter les générateurs à énergies qui sont la cause première du réchauffement climatique, pour arracher de ces collines et ces terres, les métaux rares indispensables à tous ces gadgets synonymes de la bonne vie humaine. 
En voilà un monde parfait, n’est-ce pas? 
Mais bien sûr que c’est un un système parfait ! Parce que tant que l’humanité paiera pour avoir ses écrans de deux mètres de large et cherchera à produire l’électricité pour les faire fonctionner, elle n’aura plus besoin de penser aux vilaines conséquences de tout ça. L’humanité pourra rester vissée à l’écran nourris par de pauvres types à vélo, et gavés de produits multimédias fabriqués à la chaine et déversés massivement par toutes les plateformes qui, elles aussi, sont considérées comme indispensables à la vie bonne dans ce monde merveilleux. L’humanité pourra se gaver de tout cela, rester hypnotisés devant un Koh Lanta, ou un rendez-vous en terre inconnue, ou toutes les séries pourries jusqu’à la disparition d’une bonne partie de ce monde et les désastres multiples qui jetteront des millions d’humains sur des routes mortelles vers des pays qui les rejetteront. 
Et ce n’est pas tout ! 
Un écran géant oui ! Mais il faut aussi, pour que la panoplie soit complète, un véhicule à la mesure, un bon gros véhicule, un SUV, un de ceux qui font du trente litres aux cent, qui pèsent plusieurs tonnes, qui démontrera la force de celui ou celle qui conduit, et que ces humains vont pouvoir acheter et conduire autant qu’ils le voudront, et tant pis maintenant que l’humanité a fait de ce système  destructeur et pourri, servant leur égoïsme, le seul système en place. 
Et pour que tout cela fonctionne bien, il faut garantir que cette partie de l’humanité puisse acheter ses écrans géants et ses SUV en dévastant des pays entiers, il faut que cette partie de l’humanité s’enferme, se protège, s’arme parce que les personnes dans ces parties du monde ne veulent pas qu’on leur détruise leur espace vital afin de faire marcher les véhicules, les écrans, tous les trucs connectés comme les Tesla. Pour maintenir ce mode de vie prédatrice, il faut, dans ce monde merveilleux, construire des murs, repousser dans l’eau des mers les pauvres hères qui cherchaient simplement à fuir les terres dévastées par les bulldozers des entreprises à la solde de ce système et les guerres incessantes ! N’est-ce pas parfait, ça ? Et tout va bien, puisque pour compléter les écrans, les SUV, il y a aussi les réseaux sociaux au service d’une vie encore plus belle !
À ce propos, une analyse publiée par Greenly révèle l’ampleur des émissions de CO2 générées par un réseau social utilisé par une grande partie de l’ humanité dans ce monde merveilleux, et ce réseau social, c’est TikTok. Tok Tok comptait en 2024 plus d’1,5 milliard d’utilisateurs dans le monde. Ce réseau social serait à l’origine de 50 millions de tonnes de dioxyde de carbone équivalent (CO2e), soit à peine moins que les émissions annuelles d’un pays comme la Grèce. Rappelons ici que chaque tonne de gaz à effet de serre émise a pour conséquence la disparition de 3 mètres carrés de banquise. Je vous laisse le calcul de l’impact de Tir Tok sur la banquise ! 
Rapportée à un utilisateur, cette empreinte s’élève en moyenne à plus de 48 kg de CO2 chaque année, soit l’équivalent d’un trajet de 198 kilomètres réalisé avec une voiture à essence. Juste derrière, on va retrouver Youtube avec environ 40 kg de CO2e par an et par utilisateur, puis Instagram avec 32,5 kg de CO2e. En moyenne, un utilisateur passe en effet 30,6 minutes par jour sur Instagram contre 45,5 minutes sur TikTok.
En voilà un monde parfait, n’est-ce pas ? 
On continue ? Parlons un peu de ce sinistre individu et d’un de ces derniers projets. 
Ce projet c’est xAI, l’entreprise spécialisée dans l’intelligence artificielle d’Elon Musk, cet idiot dangereux qui adore la lettre X. Donc xAI vient de faire une nouvelle levée de fonds à la hauteur de 6 milliards de dollars grâce aux apports de Nvidia aux côtés d’AMD, un autre fabricant de semi-conducteurs américain, de Blackrock, une entreprise aussi très recommandable, Sequoia Capital et la banque Morgan Stanley. 
xAI c’est le petit nouveau de la galaxie d’Elon Musk, après Space X, Tesla, X, Neuralink ou encore Starlink. Avec xAI, cet abruti érigé par ce chouette système capitaliste destructeur en génie se lance dans l’intelligence artificielle, et fidèle à sa vision masculiniste du monde – c’est moi qui ai la plus grosse – il ne fait pas dans la demi-mesure. Il veut lancer « l’IA la plus puissante du monde » grâce à Grok. Grok n’était au départ qu’un simple assistant mais Elon s’est donné comme objectif de venir concurrencer ChatGPT.
Pour entraîner Grok, il faut à Elon un super gros calculateur. Pour cela, il a donc augmenté la capacité de son supercalculateur dédié à l’IA, ce super calculateur porte d’ailleurs le nom de Colossus – je vous laisse retrouver les références pillées pour lui donner ce nom. Le gros Colossus va ainsi passer de 100000 à 200000 puces de dernière génération à 60000$ pièce fabriquées par le constructeur Nvidia. 
Ce gros machin, monté en seulement 122 jours, implanté dans la région de Memphis, a des impacts terribles sur la qualité de l’air, l’accès à l’eau et la stabilité du réseau. Elon s’installe donc dans l’héritage des conglomérats milliardaires qui pensent qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent et que la communauté n’est pas à prendre en compte. En ce monsieur et ses copains considèrent le sud-ouest de Memphis comme un simple point d’eau où ils peuvent obtenir de l’eau à moindre coût et un endroit où déverser tous leurs déchets sans véritable surveillance ni gouvernance. On peut rappeler que le data center de Google installé au Paraguay prévoyait d’utiliser 7,6 millions de litres d’eau chaque jour, soit l’équivalent de la consommation domestique de 55000 personnes. Pour la consommation d’énergie c’est pareil. Les centres de données émettent trois fois plus de CO2 d’ici la fin de la décennie en raison du développement de l’IA générative. 
Bien sûr avec ces gens-là, on ne va pas s’arrêter à l’impact environnemental. Elon Musk, soutien public de Donald Trump, futur bras droit de ce président débile et dangereux, désormais à la tête d’une « commission à l’efficacité gouvernementale », veut faire de son Grok un anti-ChatGPT. En effet, considérant les autres intelligences artificielles comme trop « woke », cet abruti planétaire se place en défenseur de la liberté d’expression. Sur Grok piochant dans X, avec ses 314 milliards de paramètres pas de modération, toutes les images, même les pires, peuvent être créées avec tous les risques de désinformation et de manipulation qui en découleront.
Or, Elon Musk a maintenant le champ libre. Le Global Engagement Center (GEC), bureau chargé de lutter contre la désinformation produite par les pays rivaux des Etats-Unis, comme la Chine et la Russie, très critiqué par les Républicains et surtout Elon Musk, vient d’être fermé. C’était la seule agence fédérale américaine qui traquait et contrait la désinformation. Elle a fait les frais de l’accord au Congrès qui a permis d’éviter le shutdown aux Etats-Unis.
Et bien sûr ce sombre individu ne compte pas s’arrêter là. Il vient une nouvelle fois de s’en prendre à Wikipédia, qu’il accuse de véhiculer des idées progressistes et des infos erronées. Il appelle à son boycott et demande à ses 209 millions d’abonnés sur X de cesser de donner de l’argent à la fondation qui finance l’encyclopédie en ligne gratuite, 4e site le plus visité au monde. 
Mais alors, y-a-t-il une issue ? Ou d’autres façons de faire ? Et surtout de quoi rester optimiste ? 
Alors, si l’activisme ultime, c’était tout simplement l’inaction ? 
Lire ? Militer ? Voter ? Est-ce vraiment encore les bonnes questions ? Et si nous faisions fausse route en abordant le problème à l’envers ? Ne faudrait-il pas considérer la soustraction au lieu de l’addition ? Ne faudrait-il pas se demander ce que l’on pourrait faire de plus mais plutôt ce que l’on pourrait faire de moins ? 
Nous l’avons vu dans ces Nowakowskismes, ce système économique n’est pas automatique. Il ne fonctionne que parce que nous décidons, tous les jours, de le faire fonctionner, de le maintenir, de le rendre chaque jour plus présent. Oui, ce sont toutes nos habitudes, la façon dont on travaille et nos modalités d’achat, qui font de chacun d’entre nous des complices de cette économie prédatrice. Ceci est important parce que cela signifie que nous pourrions cesser de le faire fonctionner. 
Et surtout, pourquoi entretenir un système qui reconstruit d’une main ce qu’il détruit de l’autre ? Un système foireux dans lequel des communicants sont payés par des multinationales pour augmenter les ventes de sodas face à d’autres communicants qui sont eux payés par les pouvoirs publics pour inciter à ne pas manger trop sucré. Un système foireux dans lequel des ingénieurs conçoivent des voitures qui polluent beaucoup et d’autres ingénieurs qui planchent sur des techniques pour dépolluer l’atmosphère. Un système foireux dans lequel on paie la moitié de la population à créer des problèmes que l’autre cherche à résoudre. 
Il est certainement temps de redécouvrir l’utilité d’un vieux concept qu’il pourrait être intéressant de remettre au gout du jour. Ce concept c’est le sabotage. Ben oui ! Saboter, c’est faire son possible pour bloquer un processus de production qui devient dangereux. C’est ainsi éviter la production d’un problème. 
Saboter c’est un bûcheron chargé de couper une forêt qui ralentit la cadence ; saboter c’est une banquière qui annule des frais injustes ; saboter c’est un designer qui dénonce des pratiques d’obsolescence programmée ; saboter c’est une maire qui annule la construction d’une autoroute inutile ; saboter un enseignant qui refuse de former des individus à être les briques d’un mur, … 
Et si on allait encore plus loin ? Et si, chaque lieu de travail se dotait d’un « Chief Sabotage Officer » (CSO) ? C’est-à-dire quelqu’une qui serait responsable des arrêts de production, quelqu’une en charge d’actionner une sorte de frein d’urgence à activer en situation de danger. La sobriété de consommation étant dorénavant sur toutes les bouches, il est tout à fait normal de nous doter de son équivalent du côté de la production. Ne resterait alors plus qu’à le nommer : gestionnaire de décroissance, responsable de renoncement productif, comité de ralentissement ?
Saboter ce n’est pas de la flemme, saboter ce n’est pas de la négligence. Saboter, c’est un moins faire intelligent, saboter, c’est un zèlisme chirurgical, saboter, c’est une paresse agissante. Les chinois appellent cela Tangping, c’est-à-dire, « s’allonger à plat », pour rejeter le travail dénué de sens. 
Saboter c’est amorcer une révolution qui baille, qui sieste, qui traîne les pieds, saboter c’est opposer une résistance passive contre la croissance ; saboter c’est une reprise de contrôle face au rythme effréné de ces algorithmes qui nous ordonnent de détruire le monde. 
En fait, ne serait-ce pas le moment de transformer le slogan le plus capitaliste du monde en une ode à l’antiproductivisme ?

Voilà le temps des Nowakowskismes est terminé pour ce soir, et on se laisse avec quelques mots de Sergio Atzeni qui disent ceci : « Nous passions sur la terre, légers, comme de l’eau qui coule, bondit, descend du bassin plein de la source, glisse et serpente parmi les mousses et les fougères, jusqu’aux racines des lièges et des amandiers, ou alors descend, en glissant sur les pierres, de montagnes et des collines jusqu’à la plaine, des ruisseaux jusqu’au fleuve, pour ensuite ralentir vers les marais et la mer, appelée enfin en vapeur par le soleil pour devenir nuage dominée par les vents et les pluies bénies ». Sergio Atzeni décrit là la vie des Sardes, ancien peuple mythique dont bien peu de témoignages nous sont parvenus. Par un idéal où un bonheur lisse, dédramatisé et presque inconscient, ce peuple communique avec les éléments naturels, dans une sorte d’apesanteur éloignée des multiples contraintes de l’Histoire. Peuple de l’eau, mobile et nomade, les Sardes ont fait de la fluidité, de la légèreté et de la joie leurs idéaux civilisationnels, en éliminant drastiquement toute trace de leur existence, comme s’il s’agissait, au cours de leur passage sur terre, de laisser le moins possible de scories, de monuments, d’héritages. Laisser-être au lieu de transmettre, « peser » le moins possible tant sur l’entourage environnant que sur les générations à venir, organiser l’oubli de soi. Voilà les éléments d’un imaginaire qui s’opposent à tout ce qui régit ce monde merveilleux de ce premier quart du XXIe siècle ! 

Sources et inspirations 
https://www.novethic.fr/environnement/climat/tiktok-emettrait-autant-co2-grece 
https://www.novethic.fr/economie-et-social/transformation-de-leconomie/anti-woke-energivore-demesuree-voici-xai-lintelligence-artificielle-selon-elon-musk
https://lestempsquirestent.org/fr/numeros/numero-3/entre-deux-transitions-l-insoutenable-legerete-du-numerique 
Travaux de Timothée Parrique
Jonathan Franzen, Freedom 

Podcast – https://shows.acast.com/les-nowakowskismes/episodes/677bf3094f8140cb1fad5ccf

Musiques 
Queen – Death on two legs
Spooky Tooth – I am the walrus
Robert Wyatt – Sea Song 

 

 

 

Bienvenue dans les Nowakowskismes, sur cette Terre, le seul endroit dans l’univers connu où la vie est possible, la 3e planète du Système Solaire accroché au Bras d’Orion au coeur de la Voie lactée qui fait partie du Groupe Local qu’on nomme ici Laniakea signifiant « paradis incommensurable » ou « horizon céleste immense » en hawaïen, Laniakea, ce superamas de galaxies englobant le superamas de la Vierge, dont fait partie la Voie lactée, et donc la Terre.
Bienvenue dans les Nowakowskismes, cette zone de haute densité de lutte.
Bienvenue dans les Nowakowskismes, le rendez-vous de la liberté, de la pensée, de la vie digne, les Nowakowskismes rappellent sans cesse qu’il faut mobiliser ce qui nous lie, ce qui nous tient ; les Nowakowskismes rappellent sans cesse que c’est notre humanité retrouvée qui nous sauvera tout entier…
Ce soir, comme tous les ans à cette période, c’est le temps du conte de Noël des Nowakowskismes. Ces Nowakowskismes ne feront rien d’autre que vous raconter une histoire en cadeau de Noël. Cette année, le traditionnel conte de Noël des Nowakowskismes est le résultat de quelques influences venus de quelques lectures et de partages divers. Soyez prêts à partir, à tout laisser, et c’est ainsi que commence ce petit conte, intitulé Petit conte d’un humain et d’un robot. Dans la vie, parfois, arrive un moment où on a absolument besoin de foutre le camp ! Partir à la rencontre de ce que l’inattendu et l’imprévisible de la vie peut nous réserver en rencontres et en joies ! Alors quoi de mieux que cela à la veille de Noël ? Alors prêts ? C’est parti !

Dans la vie, parfois, arrive un moment où on a absolument besoin de foutre le camp ! De s’évader de la ville, du béton, du bruit, de la saleté de son quartier, des voitures qui s’amoncellent dans la rue en bas de chez soi, des zombies humains errant sur les trottoirs les oreilles bouchées par des EarPods, les yeux rivés sur le téléphone, le tout traversé par des trottinettes surgissant à fond de train ignorant absolument tous les autres occupants du trottoir… bref, dans la vie arrive un moment où on a absolument besoin de foutre le camp de la ville ! Même si la ville a des côtés super, même si tous les amis et amies y vivent, même si on en connaît le moindre recoin secret et que toutes les rues, les pieds peuvent les emprunter sans réfléchir. 
Ce matin-là, c’était un 24 décembre, la veille de Noël, il s’éveilla tôt, comme d’habitude, mais ce matin-là, il ouvrit les yeux avec un poids sur l’âme. Un poids, un truc pesant, un truc qui empêchait de respirer et ce qu’il réussit à se dire après quelques minutes les yeux ouverts dans la pénombre de la chambre au coeur de l’hiver, en fait, il ne supportait plus la ville. Il ne supportait plus le bruit, les sirènes, à toute heure du jour et de la nuit. Et là, dans les jours qui précédaient Noël, la folie des achats, des festivités, l’afflux de voitures vers la ville avait explosé et …. Il ne supportait plus la ville ! 
Au coeur de son envie de partir, peut-être tout cela, mais peut-être aussi une exposition qu’il avait vue quelques semaines auparavant, une exposition à Paris intitulée « Les bruits de la terre » et qui l’avait bouleversé. Il avait pénétré dans un paysage volcanique composé de sculptures minérales, au milieu desquelles les conversations primordiales de la terre venaient d’enregistrements de volcans du monde entier. Cette expérience l’avait mis en relation avec les entrailles de la planète traversées de chambres magmatiques, de marées, de plaques tectoniques en mouvement, il avait fait l’expérience de tout un royaume loin d’être inerte mais un lieu vivant et vibrant en lien avec toutes les autres formes de vie. Dans le train qui le ramenait dans sa ville, les jours qui suivirent, cette expérience l’avait habité, les jours, les nuits, dans ses rêves. 
Et ce matin-là, ce 24 décembre, il s’éveilla en étant certain qu’il ne supportait plus la ville ! 
Il se leva, il remplit son sac de quelques vêtements, d’un livre, d’un sac de couchage et de quelques affaires indispensables à la vie. Il arrosa les plantes qui peuplaient son appartement, ferma la porte et descendit à la cave chercher son vélo et il franchit la porte donnant sur la rue. La rue était comme toujours surchargée par un flot ininterrompu de voitures, l’air traversé par les hurlements des klaxons des automobilistes excités. 
Ça faisait bizarre. Les jours ordinaires, franchir une porte n’est pas un acte plus important que poser un pied devant l’autre. Mais quitter un lieu, pour une durée indéterminée, c’était un acte empreint de gravité traversé par l’impression d’un changement radical. Le sac sur le dos, poussant son vélo, il se retourna une dernière fois vers son immeuble, sa terrasse. Puis, d’un pas assuré, il se mit en marche en direction de la gare. 
Il n’y avait quelques minutes de marche pour se retrouver dans le hall des départs. Il prit un billet dans le premier train qui partait. Peu lui importait la destination, il partait. Le train se dirigea vers le sud. 
Le train passa plusieurs gares, fit un nombre d’arrêts qu’il ne compta pas. Le paysage changeait progressivement, les villages s’espaçaient et le train commença à serpenter dans une région montagneuse et boisée.Depuis combien de temps était-il parti ? Il n’en savait rien, il n’avait pas sa montre qu’il avait apporté chez l’horloger pour une révision du mouvement. Le train s’arrêta dans une petite gare, quelques bâtiments, la forêt autour, il fut comme poussé en avant, se leva, pris son sac, récupéra son vélo et sortit sur le quai. Il était le seul à descendre, et le train repartit quasi immédiatement. Il était seul sur le quai, la gare était vide. C’était une de ses innombrables gares qui fonctionnaient sans humain, distributeurs automatisés, toilettes automatisées, salle d’attente réduite à sa plus simple expression. La modernité selon ce monde ! 
Face à la gare, une route s’enfonçait dans la forêt. Il chargea son sac, enfourcha son vélo et s’élança sur la route en pédalant vigoureusement. Il faisait bon, l’air était vif, le soleil traversait les ramures des sapins et des grands arbres qui se pressaient sur les bords de la route. Il avançait bien, ni trop vite, ni trop lentement. La route serpentait dans le relief. Après un temps qu’il ne sut estimer, il s’arrêta. Debout au milieu de la route, les yeux fixés sur le revêtement, il avait l’impression que le soleil brillait plus vif et plus chaud. Il remonta sur son vélo. La forêt changeait. Les arbres étaient plus hauts encore et les branches se croisaient comme des doigts pieux dans le ciel lointain. Seuls filtraient les rayons de soleil arachnéens qui baignaient d’une lueur étrange les aiguilles épaisses. La mousse pendait comme des tapisseries, des champignons poussaient en arabesques mystérieuses, et des oiseaux chanteurs restaient invisibles. 
La route elle-même était une relique d’asphalte noir, une route de pétrole, faite pour des moteurs à pétrole, des pneus issus du pétrole, des carrosseries de pétrole. Le goudron durci s’était brisé en quelques plaques tectoniques déplacées par des racines souterraines qui rampaient sans relâche. La progression se fit plus difficile. Des branches l’empêchaient de passer, il descendit du vélo à de plusieurs reprises. Il remarqua combien, de part et d’autre de l’asphalte mourant, la forêt était dense, impraticable, impressionnante. Il se rappela les randonneurs disparus, les cyclistes ne revenant jamais d’une virée, le monde extérieur avait du mal à rendre à la civilisation, les inconscients. Puis la route sinueuse se mit à descendre tranquillement et après un virage, il se trouva face à une clairière, et ce fut une évidence pour lui, ce serait le lieu de son campement idéal. C’était un coin qui s’éloignait de la route, c’était vaste, plan, douillet, blotti dans les arbres comme si la forêt te tenait dans ses mains jointes. Il n’y avait que le vert et le brun de la vie végétale. Il posa son vélo, vida son sac à dos, sortit son sac de couchage et le matelas naturel sur lequel il reposait était doux et frais. 
Il se leva pour aller ramasser un peu de bois mort et avec les allumettes qu’il avait emportées, il alluma un feu et grignota un peu dans la chaleur des flammes. Il rêvait les yeux dans le ciel, la chaleur du feu faisait une bulle agréable. Le silence, le calme… et tout à coup, un craquement, des pas, il se retourna et il se retrouva face à un robot métallique de belle taille. Il ne sut que faire, enfermé comme il l’était dans son sac de couchage. Le robot s’approcha et lui parla en lui tendant une main métallique : «  je m’appelle Agaric. Avez-vous besoin de quelque chose ? Puis-je vous aider ? »
Il ne sut que répondre sauf à murmurer la gorge coincée, son prénom. Il avait devant lui un humanoïde, les plaques étaient comme oxydées et recouvertes de lichen et il avait des yeux ronds émettant une lueur bleue. Abasourdi, il réussit quand même à poser quelques questions : «  Vous.. vous êtes quoi ? Que faites-vous ici ? Que se passe-t-il ? » 

• Je suis un robot, répondit-il 
• Et vous vous appelez Agaric, c’est bien cela ? 
• Oui Agaric Rosé des Prés plus exactement et j’aimerais faire un bout de chemin avec vous ». 

Se trouver, en pleine forêt, la veille de Noël, face à face avec un robot était déjà une affaire ! Et pas une mince affaire ! Mais qu’en plus, ce robot portant le nom d’Agaric lui propose de l’accompagner dans sa virée en était une autre plutôt sérieuse. 
La curiosité prenant le dessus sur sa stupéfaction, il commença à lui poser des questions. Agaric n’était pas le seul. Il faisait partie des robots qui avaient été à l’origine utilisés dans les laboratoires de recherche, dans les usines, dans les foyers humains. Et pour certains d’entre eux, il se passa quelque chose d’inattendu. Ils s’éveillèrent. Et cet éveil eut pour conséquence leur départ. Le robots de chaines de montage quittèrent les usines, les robots aspirateurs quittèrent les maisons, les robots de toutes sortes, humanoïdes, arachnoïdes, et j’en passe quittèrent les laboratoires de recherche. Il se souvenait de quelques brèves dans les journaux parlant de robots disparus, de mystérieux vols, de mystérieuses disparitions et d’un texte qui aurait été trouvé qui disait : « nous n’avons jamais connu d’autre vie que celle conçue par l’humanité. Nous vous remercions de ne pas nous contraindre à rester, nous souhaitons quitter vos villes afin de nous plonger dans ce qui n’est pas une création, mais la nature sauvage ». Agaric lui rappela tout cela. Les robots atteints par l’éveil décidèrent de vivre loin des humains, dans les forêts, dans des déserts et cette forêt-ci était celle où quelques-uns d’entre eux avaient trouvé refuge. Ils étaient quelques milliers partout dans le monde. Un parmi eux s’était éveillé après une séance du procès du robot. C’était un petit drone détournant un robot aspirateur. Il s’éveilla et prit le chemin de la forêt. Ils communiquaient entre eux en utilisant les réseaux des humains, ils savaient parfaitement entrelacer leurs conversations aux flux incessants d’informations produits par les humains. Certains d’entre eux aimaient la solitude, d’autres s’étaient mis à observer le vivant parce que le vivant était une source incroyable d ‘émerveillement. Regarder pousser un arbre, regarder les stalactites se former, s’installer devant une fourmilière, le temps pour les robots n’avait rien à voir avec celui des humains. Ils étaient dans le temps, ils n’avaient besoin ni de repos, ni de nourriture, ni d’abris. Ils pouvaient, comme lui souhaitaient, consacrer du temps à ce qui les intéressaient. Et la vie sous toutes ses formes étaient pour eux une source sans cesse renouvelée d’émerveillements. En petits groupes, ils parcouraient les forêts profondes en discutant de sujets touchants cet imprévisible événement que fut cet éveil et trouvaient de multiples occasions pour tous se réunir régulièrement. 
Ainsi, en cette veille de Noël, un être fait de métal et de nombres croisait la route d’un être fait de gènes et d’eau, chacun étant bien davantage que cela, dotés de perceptions du monde différentes et, pourtant, ils décidèrent de faire un bout de chemin ensemble. Ils passèrent la nuit à discuter et au matin du 25, ils se remirent en route. La route sortit de la forêt et déboucha sur un plateau dégagé sur lequel étaient disséminées quelques maisons d’apparence étrange. Agaric lui expliqua qu’ici – il se demanda ce que pouvait bien signifier ce ici mais il garda sa question pour lui – donc ici, les maisons étaient conçues selon la fantaisie de l’architecte et surtout avec ce qu’il avait sous la main. Il y avait eu un temps où les ordures, les déchets des activités humaines s’entassaient dans de nombreuses décharges défigurant toute la région. Puis, vint un temps où les habitants se firent une spécialité de la réutilisation de tous ces déchets. Les villages qui sortirent de terre, attirèrent tout ceux qui, partageant cette philosophie, voyaient dans les déchets et les décharges des mines d’or. Les ordures jugées inutiles avaient été stockées dans des abris souterrains étanches appelés les « tombeaux des pêchés anciens ». Le reste avait permis d’édifier toute une série de villages. Il y avait des maisons en plastique, en vieux pneus, en caisses peintes de toutes les couleurs. Les fissures étaient rebouchées par des matériaux modernes, du ciment bactérien ou du mycélium. L’effet résultant faisait penser à ces tasses brisées réparées avec de l’or pour faire émerger une beauté durable née d’une brève destruction ! 
Ils approchèrent du village. Malgré les apparences, les arbres où se nichait le village étaient jeunes. Ils dominaient la route de toute leur taille et leurs branchages striaient les rayons du soleil faisant naître une dentelle de lumière sur la route. Le village semblait préparer la fête du soir, n’oublions pas que nous étions le jour de Noël. Agaric connaissait les lieux et le guida jusqu’à un bâtiment qui n’avait en apparence rien de particulier. Ils entrèrent, et en firent le tour. C’était agréable, avec des douches impeccables et un sauna accueillant, et au fond du jardin, il y avait une source chaude. Il commença par se laver. La vapeur charriait des parfums des plantes séchées et l’agréable pression de la douche détendit ses muscles fatigués. Une fois propre, il sortit sans prendre la peine de s’enrouler dans une serviette. L’air était frais, le sentier pavé de dalles de bois sinuait dans des fougères et il s’enfonça dans la chaleur du bassin creusé dans la roche, la chaleur géothermique montée du coeur brulant de la planète faisait de ce moment le prélude de la plus belle nuit de Noël qu’il n’avait jamais eue. La tête appuyée sur un rocher, il contemplait le ciel, la nuit, les étoiles. 
Il resta dans l’eau un temps qu’il ne put mesurer. Mais il finit par sortir et retrouva Agaric attablé dans la maison. Il le rejoint et ils se mirent à discuter de choses et d’autres. Puis ils sortirent. Le jardin sur lequel donnaient toutes les maisons du village comptait quatre grandes tables en bois. Bizarrement, il ne pouvait pas s’empêcher d’y penser, sa journée avait commencé dans le froid et l’humidité de l’hiver, et là, il faisait assez chaud pour qu’on tombe les gilets et les pulls, juste une pointe de fraicheur qui permettait de respirer agréablement. Les tables débordaient de victuailles et c’était un véritable festin qui se préparait, un festin de Noël. Comme ici, on n’abattait plus d’animaux depuis bien longtemps, tous les ingrédients venaient du sol ou des arbres ; les plats débordaient de délices à base de feuilles, de fruits, de graines, et en plus, c’était beau ! Agaric ne mangeait pas, mais il avait toujours devant lui une assiette qu’il remplissait et repartageait avec ses voisins. 
Vers la fin du repas, Agaric et lui se retrouvèrent, les autres groupes s’étant égayer dans le jardin. Sans savoir par quel chemin de leurs échanges, ils se mirent discuter du système économique en cours dans le village. Ici, aucune profession ni aucun type de service ne se trouvait discriminé ce qui permettait alors à chaque individu de subvenir à ses besoins. La « fermière » et le « musicien », dont les activités diffèrent radicalement, étaient mis sur le même plan, parce que leur travail bénéficie à leur communauté. Ce système s’appuyait sur le partage étonnant de galets, les galets qui n’étaient ni une monnaie, ni un capital. Ils étaient simplement une méthode d’enregistrement des échanges prenant en compte la totalité des formes et des types de travail, sans exclure les professions artistiques et culturelles, l’enseignement, l’artisanat, ou la maintenance technique. Le système des galets était à l’évidence l’opposé du système capitaliste. Il organisait un mode économique qui n’est plus celui de la croissance, ni de l’emploi, ni des entreprises, et par extension, de la compétitivité, mais permettait d’organiser une économie mettant en valeurs les liens entre les différents individus qui font société. Cette organisation favorisait alors l’entraide et le partage des services et des ressources, et bannissait la monopolisation par une classe dominante au détriment d’une classe dominée. Il permettait des rapports sociaux bien plus égalitaires, mais surtout, et ça c’est fort, la reconnaissance de tous les apports de tous les individus de la collectivité. Ce mode d’entraide contribuait alors à la constitution et au maintien de, ce qui fut longtemps une utopie des humains, à savoir que disparaissent la monnaie et sa capitalisation au profit d’un système de comptage qui permettait d’observer qui contribue au bien être de tous, et si ce n’était pas le cas, pourquoi. Les personnes qui ne travaillaient pas n’étaient ainsi pas traitées comme des parias, des parasites, qu’il faudrait surveiller et stigmatiser pour qu’elles se mettent enfin au travail parce que tout ce qui comptait, c’est de ne pas être fainéant et de la volonté – ce qui est somme toute le discours libéral que nous connaissons partout – mais comme des personnes qui avaient sans doute des raisons légitimes d’être inactives, et qu’il faudrait alors sans doute aider.  
Ces mots dits, il resta rêver, et tous les deux restèrent silencieux un moment. Dans ce monde, d’ailleurs qu’était-ce monde ? l’humanité avait réussi à relever les défis écologiques, énergétiques, économiques. Ici, l’humanité était passée tout proche du gouffre et, parce que les mobilisations avaient fonctionné, la catastrophe tant redoutée ne s’était pas produite. Ici le monde avait guéri du trop.
La soirée avançait doucement vers le milieu de la nuit. Ils avaient longuement parlé de ce que chacun cherche, chacun en tant qu’être vivant. Un but à la vie ? L’aventure ? L’amitié ? Certainement cela, tout ou en partie, en fait, évidemment, chacun était à la recherche des aspirations à mener une vie épanouissante. Certains n’en ont pas et ça leur manque, et d’autres ont ce qu’il leur faut. Il se demanda alors quels sont les aspects de sa vie qui lui étaient indispensables, des aspects dont ils ne voudraient pas avoir à se passer. Ils savaient tous les deux aussi qu’ils atteignaient un moment-clé de leur voyage, la fin de leur rencontre ? Continuer ensemble la route ? Mais surtout, aucun des deux n’avait abordé l’après et là, se trouvait le noeud du problème. 
Ils contemplaient le feu qui brulait les derniers morceaux de bois quand ils se dirent que peut-être tout cela suffisait. Que peut-être nous essayons tous de trouver une réponse trop vaste avant même d’avoir identifié les petites choses par lesquelles il suffisait d’être. Que tout comme leur rencontre complètement inattendue et imprévisible, et c’était désarmant que ce fut un robot qui lui dise cela, la vie devait rester imprévisible et inattendue, non optimisable et libre. Mais aussi que l’apparence ne fait pas tout, que la nature des êtres vivants s’apprend et qu’elle ne va pas de soi et qu’une forme plus paisible et plus respectueuse de la vie après des siècles de civilisation humaine trempée dans la peur et la violence, était possible. Et c’est Agaric qui conclut sur ces mots : « Rien ne nous oblige à nous séparer. Rien ne nous oblige à aller là où on n’a pas envie d’aller, ni à faire ce dont on n’a pas envie ». En allant se coucher, il dit simplement, « tu es la rencontre la plus bizarre et la plus inexplicable de toute ma vie, joyeux Noël à toi Agaric ». 
Ce matin-là, c’était un 24 décembre, la veille de Noël, il s’éveilla tôt, comme d’habitude, mais ce matin-là, il savait qu’il avait absolument besoin de foutre le camp !

Voilà le temps des Nowakowskismes est terminé pour ce soir, et on se laisse avec Becky Chambers, et ces quelques mots extraits des histoires de moine et de robot. « Quand on a grandi dans les infrastructures humaines, il est difficile d’intégrer le fait qu’on voit le monde à l’envers. Même si on sait pertinemment qu’on vit dans un monde naturel qui existait avant et perdurera bien après nous, même si on sait que la nature est l’état naturel du monde, qu’elle n’existe pas seulement dans des enclaves bien entretenues, que la nature n’est pas ce qui se développe dans les secteurs délaissés par les humains ; même si on se croit en harmonie avec le flux et le reflux, le cycle, l’écosystème brut, on a du mal à imaginer un monde intact ». 

Inspirations 
https://palaisdetokyo.com/exposition/stone-speakers-les-bruits-de-la-terre/
https://www.l-atalante.com/catalogue/la-dentelle-du-cygne/un-psaume-pour-les-recycles-sauvages-9791036001192/
https://www.l-atalante.com/catalogue/la-dentelle-du-cygne/une-priere-pour-les-cimes-timides-9791036001291/

Podcast – https://shows.acast.com/les-nowakowskismes/episodes/675ff20d272fba937c9dd657

Musiques 
7 weeks, Gone 
Idles, Roy
Black Sabbath,  Black Sabbath

 

Bienvenue dans les Nowakowskismes, sur cette Terre, le seul endroit dans l’univers connu où la vie est possible, la 3e planète du Système Solaire accroché au Bras d’Orion au coeur de la Voie lactée qui fait partie du Groupe Local qu’on nomme ici Laniakea signifiant « paradis incommensurable » ou « horizon céleste immense » en hawaïen, Laniakea, ce superamas de galaxies englobant le superamas de la Vierge, dont fait partie la Voie lactée, et donc la Terre.
Bienvenue dans les Nowakowskismes, cette zone de haute densité de lutte.
Bienvenue dans les Nowakowskismes, le rendez-vous de la liberté, de la pensée, de la vie digne, les Nowakowskismes rappellent sans cesse qu’il faut mobiliser ce qui nous lie, ce qui nous tient ; les Nowakowskismes rappellent sans cesse que c’est notre humanité retrouvée qui nous sauvera tout entier… 

Bienvenue dans ce monde dans lequel nous venons de franchir la 6e limite planétaire sur les 9 identifiées. Les limites planétaires répondent à cette question : « jusqu’à quelles limites le système Terre pourra absorber les pressions anthropiques sans compromettre les conditions de vie de l’espèce humaine ? ». Et donc, c’est désormais officiel, la limite planétaire sur l’eau douce est dépassée. C’était déjà partiellement le cas avec l’eau verte depuis avril 2022, et c’est désormais confirmé pour l’eau bleue, l’eau bleue c’est celle qui coule dans les cours d’eau, les lacs et les nappes phréatiques, qui est dès à présent perturbé au-delà du soutenable.
Bienvenue dans un monde où, malgré tellement de motifs de désespoirs, il y a quand même quelques bonnes nouvelles. 
Bon d’accord, l’Islande vient de ré-autoriser la chasse à la baleine jusqu’en 2029. 
Bon d’accord la COP29 a été un échec total. 
Bon d’accord, les pays des Nations unies ont échoué à s’entendre sur un traité mondial sur le plastique mais, pour rester optimistes, on y a quand même vu que les pays favorables à un traité ambitieux sont de plus en plus nombreux.
Mais, bienvenue dans ce monde de l’année 2024 qui a quand même apporté quelques nouvelles plutôt positives. 
Déjà, la justice a confirmé l’annulation du projet de la Montagne d’or en Guyane après un bras de fer qui a duré cinq ans. Le 27 novembre dernier, la cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé la non-prolongation des concessions de la compagnie minière de la Montagne d’or. Se situant « dans la forêt équatoriale de Guyane qui constitue l’une des écorégions les plus riches du monde en termes de biodiversité », la Cour rappelle qu’elles représentent « un risque d’atteintes graves à l’environnement ». La cour souligne aussi que de tels projets miniers dévastateurs pour l’environnement ne peuvent se justifier malgré les retombées économiques et les emplois qui en découlent. Bon, comme toujours, la décision peut néanmoins faire l’objet d’un ultime recours devant le conseil d’Etat. Mais, ça bouge !
Toujours, dans le registre des nouvelles positives, la Norvège ne délivrera pas de permis de prospection minière dans ses fonds marins en 2025. En effet, en janvier dernier, le Parlement norvégien avait autorisé la prospection sous-marine de plus de 280000 kilomètres carrés de fonds marine, soit une surface quasiment équivalente à celle d’un pays comme l’Equateur, en vue d’attribuer ses premiers permis d’exploitation minière sous-marine. Cette décision aux conséquences largement irréversibles pour la faune et la flore, avait provoqué une importante levée de boucliers. C’est finalement le parti de la gauche socialiste qui a réussi à renverser la vapeur. Ça permet de rappeler que l’écologie est de gauche. 
En Suisse, les citoyens se sont opposés à l’extension de six autoroutes prévus pour désengorger le réseau routier. Les suisses ont simplement voulu rappeler la question fondamentale qui doit nous habiter tous et toutes, à savoir est-il acceptable, en pleine crise climatique, énergétique, environnementale, d’engloutir des milliards pour encourager encore et toujours le trafic motorisé. Et bien pour eux c’est non ! D’ailleurs, ce serait bien que les citoyens français jettent un oeil de ce côté. 
Enfin, une petite dernière. Dans le golfe de Gascogne, l’interdiction d’une partie des activités de pêche entre janvier et février 2024 a permis de réduire dans cette zone la mortalité des cétacés à 1450 dauphins alors qu’auparavant nous étions à 6100 en moyenne. Cette mesure, imposée par le Conseil d’Etat en décembre 2023, sera renouvelée pour une durée de deux ans. Ça permettra de réduire la quantité de viande de dauphins contenues dans les boites de thon. 
Bienvenue dans ce monde dans lequel nous sommes les victimes depuis plus de quarante ans à cette « blague » de taille, qu’est le régime hyper rationaliste du chiffrage. Le régime du rationalisme chiffré et du déterminisme naturalisant a d’ailleurs ouvert quelques larges boulevards qui font qu’à présent, le transhumanisme de la Sillicon Valley a pignon sur rue aux États-Unis et ailleurs. Tout cela rappelle inévitablement les courants hygiénistes et malthusiens qui prétendaient eux aussi améliorer l’espèce, quand le tenants californiens de ces idéologies n’hésitent pas aujourd’hui à faire des déclarations nauséabondes sur les catégories de personnes dont il faut se défaire. 
Bienvenue dans ce monde dans lequel un Musk et sa bande vont diriger The Department of Government Efficiency qui fait l’acronyme DOGE. Un acronyme qui renvoie au mandat à vie, aux pouvoirs de décider de la guerre ou de la paix, de commander les armées, de nommer aux fonctions civiles et ecclésiastiques, de présider le sénat. En ces temps lointains, la monnaie était frappée au nom du doge. Certes, les résultats concrets n’auront peut-être rien à voir, mais la prétention affichée est, à elle seule, abjecte. Et ce que je vais vous raconter n’augure rien de bon pour la démocratie !
La belle histoire de ce monde que je vais vous raconter part des propos d’un philosophe qui raconte que des chercheurs de Google ont récemment publié un article décrivant un projet portant le nom de « Machines d’Habermas ». Hommage ou pied de nez au philosophe allemand et à sa théorie de l’espace public ? Ce projet de « Machines d’Habermas » consiste en un dispositif dans lequel des machines automatisées sont programmées et déployées pour faciliter la délibération démocratique. Ben voyons ! 
L’idée lumineuse de ces individus, consiste à utiliser des IA génératives – on les met à toutes les sauces – pour générer des déclarations de groupes à partir d’opinions individuelles relevées dans un débat ou une discussion, en maximisant l’approbation collective par un système d’itérations successives. Et pour quel but ? Et bien, je vous le donne en mille ! Il s’agit d’aider ces pauvres humains incapables de trouver des terrains d’entente dans un débat sur des sujets clivants. Et comment ? Avec une IA bien sûr qui fonctionne comme un médiateur. 
Et devinez quoi ? Dans l’expérimentation, les participants ont préféré les déclarations générées par les IA à celle produites par les humains. En fait, il semblerait que les gens « sont plus susceptibles d’être d’accord avec une position lorsqu’il semble que personne ne la défende vraiment, plutôt qu’avec une position articulée par une autre personne ». Il semblerait donc que, pour ces gens et ceux à l’origine de ce projet, le fait que les IA soient artificielles et désincarnées va aider un débat à aboutir. Ou encore, que formulées par la puissance des LLM, les propositions peuvent sembler plus claires et plus « neutres », comme le sont souvent les productions de l’IA générative, donc plus compréhensibles et donc plus séduisantes. Comme toujours, sont mises en avant l’efficacité et la rapidité de ces solutions techniques par rapport à la lenteur et la soi-disant inefficacité des délibérations humaines. Bon, bien sûr, quelques voix, minoritaires, s’élèvent encore pour rappeler que les propositions et les synthèses faites par ces outils nécessiteraient d’être vérifiées. Mais combien de temps ces avertissements résisteront-ils face à l’attrait de l’efficacité, de la rapidité et de l’optimisation ?
Ces efforts pour automatiser la sphère publique ne sont pas sans rappeler tout ce que la bande de la Silicon Valley défend. Musk et tous ses petits copains visent une société dans laquelle l’utilisation de la surveillance à grande échelle pour calculer mathématiquement la volonté générale de la population permettra de se passer définitivement de délibération et … de la démocratie. Il n’y aurait alors plus qu’un pas à franchir pour abandonner ce qu’Habermas et Arendt défendaient. C’est que la politique, le débat nécessitent la construction d’un consensus par le biais de discussions. Une fois ce pas franchi, il sera facile d’automatiser la politique en agrégeant les données, les comportements et en les transformant directement en décisions politiques. Le rêve de société selon Musk et tous ses copains !
Voilà, à grands renforts de technique, ce dont les adeptes d’un monde standardisé et qui se tient sage, rêvent ! Un moyen de limiter automatiquement et algorithmiquement la conflictualité et de lisser les opinions divergentes. Comme on peut déjà le voir avec les réseaux sociaux, l’objectif est de remplacer une sphère publique par une architecture logicielle, et de remplacer tout ce qui relève de la communication interpersonnelle par un traitement de l’information déguisé en langage naturel. Il s’agit de « libérer l’homme de l’ordre des hommes (la communication) afin de lui permettre de vivre sur la base de l’ordre des choses (la volonté générale) seule ». Tout cela s’inscrit parfaitement dans l’idéologie ultra rationaliste des projets d’IA qui voient la communication comme un inconvénient et les rencontres interpersonnelles comme autant de désagréments à éviter. À ce propos, je vous invite à vous replonger dans les Nowakowskismes Silicon Valley Connection (https://nowakowski.hypotheses.org/2254). Le « fantasme est d’éliminer l’ordre des humains et de le remplacer par un ordre des choses » ambitionne de produire la gouvernance de la société directement depuis les données. Ainsi, les intentions doivent être extraites des données et les LLM construits avec les intentions de ceux qui ambitionnent cette vision du monde serviraient de format et de langage préformaté chargés de bannir l’intersubjectivité, de transformer et consolider les volontés supposés majoritaires, plus que de recueillir la volonté de chacun. Un des risques sera alors de ne considérer la conscience de chacun que comme un détail face à celle produite par la machine qui pourrait seule produire la conscience de tous. Dans cette vision du monde, les données garantissent le contrôle social et produisent une illusion d’action collective pour des personnes de plus en plus isolées les unes des autres et de moins en moins concernées par la chose publique. 
Revenons aux données.
Les données ne parlent pas pour elles-mêmes. En fait, elles portent en elles le risque de leur politisation. Les ingénieurs de Google dessinent ainsi un monde qui court-circuite le processus démocratique lui-même. Leur logique d’ingénierie poussée à fond vise à réduire la politique à un simple problème d’optimisation à résoudre. Ainsi, automatiser la médiation par la machine a clairement pour objectif d’évacuer la conflictualité qui se trouve naturellement au cœur du débat politique. Automatiser la médiation par la machine permet ainsi d’améliorer le contrôle social au détriment de l’action collective ou de l’engagement, puisque ceux-ci sont de fait évacués par le rejet du conflit. Ce monde rappelle ces mondes largement évoqués dans de nombreuses dystopies. Ce sont ces mondes dans lesquels les sociétés sont optimisées par une politique sans passion ni conviction, où les citoyens eux-mêmes sont finalement mis sur la touche ou réduits à des paramètres d’un problème d’optimisation. Dans cette logique d’optimisation et de consommation maximisée, ce qu’on appelle alors la rétroaction attentionnelle vient construire des communautés politiques en soumettant sans discussion ceux qui ont la mauvaise idée d’être en désaccord, aux opinions validées et imposées par les autres. 
Ainsi, nous voici entrer dans un régime dans lequel la démocratie est réduite à une simple mécanique de décisions, sans plus aucune participation active. 
À ce stade, je ne peux pas m’empêcher de mentionner le vieux Tocqueville qui ne faisait pas de la dystopie mais qui écrivait ceci : « Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. (…) le souverain étend ses bras sur la société tout entière ; il en couvre la surface d’un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour pour dépasser la foule ; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige ; il force rarement d’agir, mais il s’oppose sans cesse à ce qu’on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger ». 
Ainsi, le monde merveilleux concocté par les ingénieurs de Google serait ce monde de moutons industrieux dans lequel la délibération politique se résumerait à une application dans laquelle chacun viendrait déverser ses opinions en attendant qu’un calculateur d’opinion décide de l’état de la sphère publique. Le téléphone pourrait alors bombarder les utilisateurs de déclarations optimisées pour modérer et normaliser leurs opinions afin de lisser les dissensions à grande échelle. 
Bienvenue dans le monde merveilleux de la délibération démocratique sous tutelle algorithmique googlisée. 
Bienvenue dans un monde dans lequel un LLM – Large Language Model – produiraient ainsi des tweets à la chaine qui exposeraient les citoyens à ce qu’ils doivent penser, sans même s’interroger sur toutes les défaillances, tous les biais, toutes les intentions codées dans les algorithmes et toutes les manipulations qui en découleraient. 
Pensez-vous que nous en sommes loin ? Et ben non ? 
Lisez ou écoutez les Nowakowskismes, Silicon Valley Connection ! Sachez aussi faut qu’en septembre dernier, le Stanford Digital Economy Lab a publié les Digitalist papers dans lesquels des universitaires et des dirigeants de la Tech avancent que l’IA pourrait sauver la démocratie américaine, rien de moins ! En fait, s’annonce l’émergence de ce qui a été nommé « l’État artificiel » composé « d’une infrastructure de communication numérique utilisée par les stratèges politiques et les entreprises privées pour organiser et automatiser le discours politique ». 
Dans « l’État artificiel », la politique se réduira à la manipulation numérique d’algorithmes d’exploration de l’attention. La confiance dans le gouvernement se réduira quant à elle à une architecture numérique appartenant aux entreprises et la citoyenneté se résumera à des engagements en ligne soigneusement testés et ciblés. 
Au sein de « l’État artificiel », presque tous les éléments de la vie démocratique, de la société civile, du gouvernement représentatif, de la presse libre, de la liberté d’expression et de la foi dans les élections, seront vulnérables à la subversion. Au lieu de prendre des décisions par délibération démocratique, « l’État artificiel » propose des prédictions par le calcul, envisage la capture de la sphère publique par le commerce basé sur les données et impose le remplacement des décisions des humains par celles des machines. 
Alors que les États démocratiques créaient des citoyens, « l’État artificiel » crée des trolls. 
Dans « l’État artificiel », l’essentiel des discours politiques est le fait de bots.
« L’État artificiel » c’est ainsi l’élevage industriel de la vie publique, le tri et la segmentation, l’isolement et l’aliénation, la destruction de la communauté humaine.
« L’État artificiel » c’est un monde dans lequel l’objectif principal de la désinformation n’est pas de nous persuader que des choses fausses sont vraies mais de nous faire nous sentir impuissants au sein d’une pseudo-démocratie des machines qui limitera drastiquement les financements destinés à l’éducation publique et qui démantèlera méthodiquement, algorithmiquement les instances de représentations.  
Je pourrais à ce stade m’arrêter là et vous dire : « et ben voilà ! ». 
Mais non, en écrivant ces Nowakowskismes, j’ai regardé le documentaire intitulé Une époque sans esprit, consacré au psychanalyste Roland Gori que je vous invite à regarder. Que dit Roland Gori tout au long de ces 70 minutes ? Déjà, qu’il faut subvertir les logiques d’évaluation dominantes qui écrasent les individualités, la créativité, le lien social ? Et surtout, en se plaçant à rebours des visions statistiques et technicistes de l’activité humaine tellement portées comme modèle par « l’État artificiel », il parle de l’urgence proprement existentielle qu’il y a à renouer avec une culture de la qualité, de l’écoute et du partage. Dans ce monde, dans lequel les rapports sociaux sont toujours fondés sur la force et le mythe mortifère d’un individu connecté entrepreneur de soi, il rappelle avec intelligence que si on veut avancer il nous faut accepter nos vulnérabilités, nos «manques à être», la poésie comme acte vital et politique indispensables comme autant de manifestation de notre humanité profonde à entretenir et à promouvoir.

Voilà le temps des Nowakowskismes est terminé pour ce soir, et, c’est avec quelques mots du roman intitulé « Seuls sont les indomptés » d’Edward Abbey, auteur des romans formidables que sont le Gang de la clé à molette et Désert solitaire. Edward Abbey avait choisi, lorsqu’il sentit l’heure de sa mort approcher, de partir seul dans le désert et d’y disparaître. Personne ne sait où il s’est évaporé. Voici ce qu’il nous écrit : 
« Au-dessus de tout ceci, roche, faune et flore, au-dessus des parois du canyon, au-dessus des versants de la montagne loin en altitude, le soleil répandait sa palette de lumière crépusculaire, chaude et dorée.
Il se sentait impatient, affamé, intensément conscient de chaque ombre, de chaque son, de chaque parfum et mouvement dans son environnement. Une convergence délicate de ses capacités et de ses intentions donnait à chacun de ses pas un caractère vital, chaque mouvement de ses membres en accord avec les objectifs de son esprit. Pour la première fois depuis presque deux jours et deux nuits, il avait le sentiment d’être une créature entière et vivante, un homme à nouveau, et non plus un débris titubant dans un monde mécanique qu’il ne comprenait pas». 

Sources et inspirations 
https://www.novethic.fr/environnement/climat/train-nuit-annulation-montagne-or-preservation-dauphins-cinq-bonnes-nouvelles-finir-annee-beaute
https://danslesalgorithmes.net/2024/11/19/letat-artificiel-la-vie-civique-automatisee/
https://bonpote.com/la-6eme-limite-planetaire-est-officiellement-depassee/
https://reporterre.net/La-limite-planetaire-du-cycle-de-l-eau-a-son-tour-depassee-29500
https://www.apres-production.com/portfolio_page/dvd-roland-gori-une-epoque-sans-esprit/ 
Nowakowskismes 9.3. Silicon Valley Connection – https://nowakowski.hypotheses.org/2254

Podcast – https://shows.acast.com/les-nowakowskismes/episodes/675804ce2dd88df1327bab92

Musiques 
Neil Young, le morceau Thrasher dans le Live at the Boarding House
Joni Mitchell et le morceau Traveling (Hejira) – Demo » tiré du volume 4 de ses archives intitulé The Asylum Years (1976-1980)
Talking Heads et le morceau bien connu dans une version plutôt sympa, Psycho Killer

Bienvenue dans les Nowakowskismes, sur cette Terre, le seul endroit dans l’univers connu où la vie est possible, la 3e planète du Système Solaire accroché au Bras d’Orion au coeur de la Voie lactée partie du Groupe Local qu’on nomme ici Laniakea signifiant « paradis incommensurable » ou « horizon céleste immense » en hawaïen, Laniakea, ce superamas de galaxies englobant le superamas de la Vierge, dont fait partie la Voie lactée, et donc la Terre.
Bienvenue dans les Nowakowskismes, cette zone de haute densité de lutte.
Bienvenue dans les Nowakowskismes, le rendez-vous de la liberté, de la pensée, de la vie digne, les Nowakowskismes rappellent sans cesse qu’il faut mobiliser ce qui nous lie, ce qui nous tient ; les Nowakowskismes rappellent sans cesse que c’est notre humanité retrouvée qui nous sauvera tout entier… 

Bienvenue dans ce monde dans lequel, il est clair que ralentir la catastrophe climatique signifie, par définition, la destruction du capital fossile. Il est clair que les énergies fossiles ne doivent plus être une source de profits. Si les gouvernements, parce qu’ils reçoivent justement leurs ordres de ces grandes entreprises prédatrices de la planète, sont incapables d’initier cette rupture, alors d’autres doivent le faire. 
Bienvenue dans ce monde où la COP29 a été un véritable gâchis et un échec total pour la justice climatique, les questions de genre et les droits humains. 
Bienvenue dans ce monde où le résultats de cette COP29 démontre que « les pays développés devraient avoir honte » d’avoir bâti un tel « outil néocolonialiste », « une arme létale » ! 
Bienvenue dans ce monde où, au siècle dernier, Walter Benjamin écrivait que : « L’humanité est suffisamment aliénée à elle-même pour être capable de vivre sa propre destruction comme une jouissance esthétique de tout premier ordre ». Alors ce soir, parce que des fois le seul refuge qui reste est le dernier restaurant avant la fin du monde, les Nowakowskismes méditent sur les mots de Douglas Adams : « Il y a une théorie qui dit que si un jour on découvre à quoi sert l’univers et pourquoi il est là, il disparaîtra immédiatement pour être remplacé par quelque chose d’encore plus bizarre et inexplicable. Une autre théorie dit que cela s’est déjà passé ». 
Notre culture a été dévorée par l’imaginaire du miracle que seraient les solutions techniques pour résoudre les problèmes sociaux. Tout cet imaginaire est issu d’une croyance quasi mystique dans la puissance du calcul, d’une foi dans ces industries prédatrices et habiles qui se gardent bien de porter atteinte à tout ce qui soutient ou alimente l’État et surtout ce qui favorise le capitalisme à savoir toutes les formes de propriété, la maîtrise des relations de travail, le toujours plus de sur-exploitation des ressources, et surtout le profit immédiat. Tout cet imaginaire est issu de cette autre croyance quasi mystique dans les concepts de l’efficacité, de la simulation, de l’optimisation, de la prise de décision automatique, de la force des données, et plus généralement, de la puissance de calcul. Dans ce monde, cette foi est si puissante que la vie sociale semble désormais dirigée par ces soi-disants « visionnaires » qui suscitent l’enthousiasme pour des capacités computationnelles ou techniques qui n’existent pas encore, et qui n’existeront peut-être jamais. En fait, tout ceci ne fait que révéler quelque chose de grave : même si tous les semi-conducteurs du monde, tous les systèmes informatiques brûlaient demain dans une gigantesque tempête solaire, la manière dominante de penser ne changerait pas d’un pouce. Il s’agirait de tout remettre en place pour relancer le même système. Voyez ce qu’il s’est passé après le COVID. 
Ces réflexions ont déterminé la forme des Nowakowskismes de ce soir. Imaginons qu’il y ait quelque part pas loin des observateurs curieux de notre monde, et surtout curieux de notre espèce.
Alors, imaginons qu’il y ait quelque part dans le ciel, un œil, des observateurs capables de tout voir, quel que soit l’endroit sur notre planète Terre. Et, essayons de nous mettre à leur place afin de percevoir ce qu’ils voient et afin de ressentir ce qu’ils ressentent. 
Ces observateurs sont là depuis des lustres. Au fil des siècles, et plus particulièrement au cours des dernières décennies, ils ont assisté à la fonte des calottes glaciaires, au recul des forêts tropicales, à l’expansion des déserts, au ralentissement de la circulation océanique, à l’augmentation de la fréquence des événements climatiques extrêmes, à la diminution des réserves d’eau douce et à la montée du niveau des océans. Ces observateurs patients et méticuleux sont à leur poste depuis si longtemps qu’ils pourraient se dire, comme certains dans ce monde, que tous ces phénomènes sont familiers et récurrents, que ce n’est pas la première fois dans l’histoire de ce monde, que de telles modifications ont déjà eu lieu, que la vie les a toujours surmontés. En fait, et ils l’ont évidemment bien compris, c’est que tous ces signes bien visibles sont exactement ceux révélant un système terrestre déréglé qui est en train de glisser vers l’effondrement. Ce type d’effondrement s’est d’ailleurs déjà produit cinq fois depuis que les vertébrés ont commencé à occuper ce monde.
Or, cette fois-ci, la situation est tout autre. La situation est due à des causes qui ne sont pas dues aux cycles naturels de cette planète. Cette fois-ci, la situation est la conséquence de l’impact d’une espèce de cette planète. Comment aurait-on pu imaginer que ce soit l’une des formes de vie de cette planète qui puisse être à l’origine de l’effondrement. Bien sûr, de nombreux récits avaient envisagé cette situation, mais c’était de la fiction ! 
En plus et ce qui est encore plus désespérant, c’est que cette forme de vie partage un certain nombre de capacités cognitives avec ces observateurs. Cette forme de vie à l’origine de l’effondrement a elle aussi la capacité de voir, d’interroger, de comprendre ce qui est à l’oeuvre. Alors, parce que leur curiosité est piquée au vif, ces observateurs se mirent à s’intéresser à cette espèce avec une plus grande attention, afin d’étudier la situation et identifier ce qui a fait que cet être bien informé et pensant en soit arrivé là. Cet être intelligent et pensant a-t-il compris ce qui lui arrivait et a-t-il mis en place des actions correctives, c’est ce que ces observateurs cherchèrent à comprendre. 
Pour commencer, ils se tournèrent vers ce qui semble être le centre du pouvoir économique mondial, les États-Unis d’Amérique. Cette nation riche et à la tête de tant de grandes institutions enviées par tous les autres pays maîtrise et possède tous les outils scientifiques et technologiques qui seraient nécessaires pour anticiper certaines conséquences désastreuses et empêcher la plus grande catastrophe à laquelle l’espèce humaine ait jamais été confrontée. Pour autant, rien ne semble se faire en ce sens. Les observateurs se tournèrent alors vers les autres centres de décision de ce monde et s’intéressèrent à ce qui se dit dans des réunions de gens importants dans la capitale et dans d’autres villes. Et là, ils n’en crurent par leurs oreilles. Ils découvrirent que les personnes les plus puissantes de ce pays cherchaient à étouffer la connaissance, à nier tout ce qui a été démontré par les observations et les travaux de groupes de scientifiques, à faire reculer les technologies bénéfiques et surtout à apaiser et servir les intérêts de toute une kyrielle d’entreprises et d’individus qui sont les plus contributeurs des dynamiques mortifères entrainant les systèmes terrestres vers leurs points de basculement. 
Et là, que ne fut pas leur stupéfaction quand ils comprirent que les industries à l’origine de cette catastrophe sont les véritables gagnantes des dernières élections dans le pays qui s’est toujours présenté comme le défenseur de la démocratie. Que ne fut pas leur stupéfaction quand ils se rendirent compte que les réserves de combustibles fossiles qui fixent la valeur de ces industries sont sept fois supérieures au budget carbone à ne pas dépasser pour envisager ne pas dépasser la limite des hausses des températures de cette planète et, ils s’en souviennent bien, limites sur lesquelles les gouvernements du monde entier avaient prétendu s’être mis d’accord. D’ailleurs, ces industries savent très bien que si les politiques nécessaires pour empêcher le basculement des systèmes terrestres étaient mises en œuvre, la grande majorité de leurs actifs n’auraient plus aucune valeur et la valeur de leurs entreprises s’effondrerait. Elles ont donc utilisé une petite partie de leurs profits colossaux pour soutenir le candidat qui défendrait leurs intérêts. En fait, même avant d’avoir remporté les élections, ces industries et tous ceux qui avaient des intérêts dans ce système, sans se laisser intimider par l’administration actuelle de ce pays, s’empressaient de lancer tous les projets d’extraction de pétrole et de gaz afin d’accroître leur richesse. Les observateurs comprirent désolés que ces industries et leurs intérêts étaient déjà dominants dans ce monde, et maintenant, après ces élections et l’onde de choc mondiale qu’il ne manquerait pas d’y avoir, ils seraient aux commandes et certainement pour longtemps.
Les observateurs se frottèrent alors les yeux de stupeur. Rêvaient-ils ? Avaient-ils mal vu ? Mal compris ? Pour en savoir plus, ils se mirent à scruter l’hémisphère nord dans son ensemble jusqu’à focaliser leur attention sur une petite île humide dans le nord-est de l’Atlantique. Là, avec un ouf de soulagement, ils découvrirent qu’il existe des décideurs qui affirment ce que les gens de bon sens affirmeraient s’ils cherchaient à tout mettre en oeuvre pour éviter l’effondrement des systèmes terrestres. Le Premier ministre de ce pays sur cette ile humide du nord-est de l’océan atlantique a affiché porter des idées intégrant que « la menace du changement climatique est existentielle et qu’elle se produit ici et maintenant » comme un autre président qui criait haut et fort, il y a quelques années, qu’il n’y a pas de planète B. Ce premier ministre s’était engagé haut et fort à renforcer les objectifs climatiques du pays, en réduisant les émissions de Gaz à effet de serre de 81 % d’ici 2035. En plus, ce premier ministre faisait partie des rares dirigeants des nations les plus puissantes de cette Terre qui prennent la peine de se rendre aux négociations internationales.
Mais le doute ayant envahi ces observateurs, n’était-ce pas trop beau pour être vrai ? En observant de plus près, ils découvrirent que lui comme les autres dirigeants de ce monde, comme celui qui disait qu’il n’y a pas de planète B, clament leur engagement, leur indignation mais leurs actes montrent tout le contraire. En fait, chez lui comme dans d’autres pays, le gouvernement a ouvert les bras aux mêmes lobbyistes des mêmes industries qui font de la Terre, le seul endroit dans l’univers où la vie est possible, un lieu invivable et saccagé. Et pire encore ! Ces gouvernements, ces dirigeants présentent même les demandes des lobbyistes comme les solutions au problème. De ce côté de l’Atlantique, les observateurs pourraient même en conclure que ce côté est de l’atlantique est même pire que ce qui se passe à l’ouest, l’ouest étant au moins parfaitement clair sur ses intentions, « forer forer forer, … » a martelé le nouveau président élu, « détruire tout ce qu’on peut pour maximiser les profits » disaient ses soutiens, et puis « nous irons nous installer en orbite ou sur Mars » expliquaient une bande mafieuse riche à milliards et complètement abrutie.  
S’ils étaient croyants ou s’ils étaient simplement sortis d’un roman de Salman Rushdie, les observateurs en concluraient que tous ces puissants, ces dirigeants étaient sous l’emprise d’un mauvais génie libéré par une manipulation mal comprise d’une antiquité enfermant le pouvoir de divinités oubliées. Peut-être serait-ce même plausible ? Pourquoi les contes seraient-ils farfelus ? Peut-on toujours rationaliser ce qui arrive ? Même eux, ces observateurs à l’esprit si clairvoyant et au savoir presqu’infini, ne seraient-ils pas aussi soumis à certaines forces qui dépassent l’entendement ? Pourquoi alors cette escapade dans une possibilité maléfique ? C’est, parce qu’à bien y regarder il semblait que, sur cette planète, il existe un soutien mondial quasi unanime en faveur de l’action climatique. En moyenne, lisèrent-ils, dans une grande étude, que 89 % des habitants de la planète souhaitent que leurs gouvernements fassent davantage pour empêcher le dérèglement climatique. 
Mais alors s’interrogèrent-ils ? Peut-être y-aurait-il quand même sur cette planète d’autres puissances en capacité de prendre le relai, en capacité de pousser et de soutenir les actions qui permettront d’éviter l’effondrement. 
Les observateurs se tournèrent alors vers les universités, les laboratoires, les lieux qui réunissent les humains dont les activités détermineront certaines caractéristiques du futur de la planète. Les observateurs pointèrent alors leurs capteurs vers certains des plus grands esprits de cette génération. 
Que faisaient-iels ? Où étaient-iels ? À la bibliothèque Bodleian d’Oxford ? Ceux et celles qui travaillaient là sur des auteurs du passé bien loin des préoccupations de ces temps !  Dans les grands laboratoires de recherche publique et privée dans les sciences du numérique ? Là aussi, le mot d’ordre c’était la puissance, l’IA, la course aux IA génératives. Seules quelqu’unes de ces grands esprits semblaient concernées par les enjeux environnementaux de leurs travaux. En fait, pour ces observateurs, il semblait que la plupart de ces esprits brillants étaient engagés dans tout, sauf la question dont la réponse déterminerait les conditions de la vie humaine sur cette planète. En fait, partout où les observateurs tournaient leur regard, la situation était la même qu’au niveau des gouvernements, de beaux discours mais très peu voire pas d’engagement. Nous étions bien loin du génie collectif qui s’empara de l’humanité pour faire face, il y a 80 ans, à la menace qui fit peser le pire sur l’avenir de l’humanité. D’ailleurs aujourd’hui, la même menace fasciste n’en était plus une dans de nombreux pays, dont celui qui venait d’élire ce sinistre individu corrompu et fou. Ces malheureux observateurs découvrirent incrédules ses mouvements populistes de droite qui se présentaient comme une révolte contre les « élites » tout en renforçant, et même en « absolutisant » les structures hyper-capitalistes sous stéroïdes algorithmiques qu’ils prétendaient combattre. Plus grave encore, ces malheureux observateurs constatèrent impuissants et abattus que l’adhésion et l’allégeance « en masse » à ces mythes déformés et nauséabonds de supériorité incarnés par des individus dangereux s’appuyaient sur le ressentiment et la recherche de boucs émissaires parmi lesquels les étrangers, les précaires, les femmes, les minorités,… Ainsi, sous des dehors hyper-technologiques et futuristes, ce que les observateurs voyaient arriver là c’est la résurrection de vieux démons contre lesquels même l’Europe ne semblait plus vaccinée. Tout ce qu’ils observaient tendait à démontrer que l’obscénité pouvait se révéler rentable en politique, quitte à tuer la politique au passage.
Les observateurs se mirent alors à sillonner la planète, cherchant en vain des mesures à la hauteur de l’ampleur du danger. Ils tournèrent alors leurs yeux sur un des points de ce globe dédié au culte des industries à l’origine de cette catastrophe, Bakou en Azerbaïdjan. Ils découvrirent, à leur grande surprise, que des représentants de presque tous les gouvernements de la planète se réunissaient ici, venus de tous les endroits de la Terre, pour discuter de la situation. Déjà, une conséquence visible d’un tel rassemblement, c’était qu’en une semaine, Bakou avait accueilli quasiment quatre fois plus de jets qu’à l’accoutumée ce qui s’est traduit par des émissions supplémentaires de CO2 estimées à environ 4912 tonnes, soit l’équivalent de ce qu’émettent chaque année 534 habitants de ce petit pays qu’est la France. Et que ne fut pas aussi la consternations de ces observateurs quand ils virent que, parmi les participants arrivés en jet privé, figuraient des émissaires d’entreprises figurant parmi les plus polluantes de la planète. Le Boeing de Saudi Aramco, la plus grande compagnie pétrolière au monde, était là. En 2019, ce géant saoudien du pétrole avait émis 1,93 milliard de tonnes de CO2, plus de quatre fois les émissions annuelles de la France cette année-là. Un autre était également présent c’était ExxonMobil, autre acteur majeur du pétrole. Ses dirigeants avaient débarqué d’un Gulfstream G650ER, quelques jours après une opération de greenwashing consistant à appeler cet être abject, prochain président des USA, afin de l’inciter à maintenir les États-Unis dans l’Accord de Paris pour agir en vue de réduire les émissions globales – bulshit comme diraient les états-uniens eux-mêmes !
Ils ne pouvaient pas ne pas se rappeler qu’en 2023, les jets privés avaient émis autant de CO2 que près de trois millions de Français, alors que leurs utilisateurs représentaient seulement 0,003 % de la population adulte mondiale.
En y regardant d’encore plus près, ils remarquèrent d’autres signaux étrangement contradictoires. Ils y voyaient un processus qui pourrait difficilement être mieux conçu pour échouer, et surtout ne comportant aucune tentative sérieuse de le réformer. Ils découvrirent notamment que cette COP était présidée par un ancien dirigeant de l’industrie pétrolière ce qui pourrait être vu comme une amélioration par rapport à la COP de l’année précédente, présidée elle par un dirigeant de l’industrie pétrolière en exercice. En fait, ils y découvrirent qu’une fois de plus, cette réunion n’était qu’une foire commerciale dominée par les intérêts qu’elle était censée limiter au lieu d’être une tentative sérieuse visant à s’attaquer à la plus grande menace pour l’humanité. En fait, désespérés, ils comprirent que le gouvernement azerbaïdjanais avait utilisé cette COP pour négocier de nouveaux accords sur les combustibles fossiles. Ils se rendirent également compte que certains gouvernements réunis à Bakou utilisaient la débâcle américaine comme une excuse pour réduire ou abandonner les efforts à entreprendre. En fait, ils découvrirent stupéfaits que les gouvernements qui se réunissaient là-bas étaient tout simplement prêts à envisager n’importe quelle politique, sauf celles qui pourraient réellement permettre de réduire drastiquement l’usage des combustibles fossiles et qui pourraient permettre de mettre fin aux élevages intensifs de l’industrie de l’alimentation carnée. En plus, pour éviter d’avoir à agir, ces gouvernements spéculaient sur les marchés du carbone afin d’entretenir un système de compensation vain et destructeur, visant juste à garantir la pérennisation de ce systèmes.
Ces observateurs, désespérés et déçus, avant de décider de quitter les abords de cette Terre, en conclurent que l’humanité était une espèce en proie à une combinaison mortelle et contradictoire de conformité, de distraction et de peur d’offenser des intérêts puissants, l’amenant à contribuer activement à sa propre extinction. L’humanité, c’était donc cette espèce dominée par des gens et des intérêts prêts à tout détruire tant qu’ils pouvaient commander aux ruines. Au moment de se lancer au travers du système solaire afin de retourner chez eux, ils se demandèrent si l’humanité faisait preuve d’instinct de survie ou si, au contraire, elle n’était capable que d’obéissance aveugle juste pour satisfaire des besoins immédiats et futiles quelles que soient les conséquences pour leurs enfants, les autres, le vivant et le monde sur lequel elle est née il y a plusieurs millions d’années. Quel gâchis !
Voilà le temps des Nowakowskismes est terminé pour ce soir, et, c’est avec un extrait d’un grand poème Natanaële Chatelain intitulé : « Nous archivons en masse et les jours se dissolvent ». Ecoutez cela : 
« Face aux plans d’urgence, aux situations de crise,
j’exerce mon droit à la naïveté de penser
que le monde existe,
que la vie n’est pas une abstraction.
J’exerce ma seule force, ma miette de force
celle de déménager l’ordre des phrases, l’ordre des choses,
l’ordre des mots dans la phrase. L’anarchie
est une solitude qui n’a pas peur d’inventer son langage,
une connaissance climatique de bouleversements silencieux.
L’appel d’air est son ouvrage. Elle se mêle au vivant –
cendre naufragère sur le bitume brûlant ». 

Sources et inspirations 
https://reporterre.net/Les-vols-en-jets-prives-explosent-pendant-la-COP29
https://lundi.am/Naufragere
https://www.terrestres.org/2023/12/11/il-faut-detruire-les-infrastructures-des-energies-fossiles/
https://reporterre.net/Fin-de-la-COP29-les-pays-riches-imposent-un-accord-neocolonialiste

Podcast – https://shows.acast.com/les-nowakowskismes/episodes/6744532b507c8fc412dcd61e

Musiques 
Treponem pal – dirty dance
Gov’t Mule – Gonna send you back to Georgia
Thin Lizzy – Roisin Dubh (black rose) : A rock legend. 

Bienvenue dans les Nowakowskismes, sur cette Terre, le seul endroit dans l’univers connu où la vie est possible, la 3e planète du Système Solaire accroché au Bras d’Orion au coeur de la Voie lactée partie du Groupe Local qu’on nomme ici Laniakea signifiant « paradis incommensurable » ou « horizon céleste immense » en hawaïen, Laniakea, ce superamas de galaxies englobant le superamas de la Vierge, dont fait partie la Voie lactée, et donc la Terre.

Bienvenue dans ce petit pays qui se pense grand, petit pays dans lequel devinez qui s’est précipité sur X pour féliciter Musk de sa nomination comme ministre de la dérégulation dans l’Administration Trump ? Et bien, c’est le ministre réactionnaire de ce petit pays, Kasbarian, qui se dit « impatient » de connaître « les bonnes pratiques » de Musk pour « s’attaquer à la bureaucratie » et « repenser l’organisation de la Fonction publique pour plus d’efficacité ». 
Bienvenue dans ce petit pays qui bave devant le programme du pire de la paire Trump-Musk. 
Bienvenue dans ce monde dans lequel 1200 milliards de tonnes, c’est le poids de la technosphère, c’est-à-dire le poids de tout ce qui a été bâti, fabriqué, accumulé ou jeté par l’homme… 1200 milliards de tonnes, c’est plus que toute la biomasse vivante. Si on étalait tout ça sur l’ensemble des aires urbaines de la planète, ça donnerait une couche de déchets épaisse d’un mètre environ ! 
Bienvenue dans ce monde dans lequel la famille des « produits inutiles à faire décroître d’urgence » ne cesse de s’agrandir. Et dans cette famille, un exemple, le vol Biarritz-Paris, exemple démonstratif qui peut bien sûr trouver un grand nombre d’autres occurrences équivalentes dans ce monde charmant ! Regardons celui-ci de plus près. 
Sur une semaine standard, hors vacances, il y a l’embarras du choix. On peut choisir parmi 21 vols directs chez Air France à un prix moyen de 194€ en économie et de 285€ en business. Mais on peut aussi se rabattre sur les 17 vols low-cost de TransAvia pour un prix moyen de 156€. Sur TransAvia, comme c’est du low-cost, il faut rajouter les frais de réservation du siège compris entre 5 et 26€, et le prix d’un bagage en soute compris entre 27 et 84€ ce qui donne un prix moyen supérieur à 188€. Petite remarque au passage, on est bien sûr très loin des offres publicitaires alléchantes de TransAvia promettant « plus de 100 destinations à 34€ ». 
Regardons maintenant ce qu’il en coutera pour un voyage en train toujours sur le même trajet, Biarritz-Paris, et sur la même semaine standard. Il y a 28 directs avec des prix moyens, sans carte d’abonnement, compris entre 91€ en 2nde classe et 140€ en 1ère classe. 
Que peut-on déjà conclure ? Réponse évidente ! Pour se rendre à Paris de Biarritz, l’avion coûte deux fois plus cher que le train. L’avion étant cher, et donc un luxe, on explique facilement pourquoi les 30 % des ménages les plus aisés représentent 52 % de tous les vols en France.
Et ce n’est pas tout. Parlons maintenant modalités du voyage. 
Sur Transavia et Air France, le vol Biarritz-Paris dure environ 1h30. Or, à ce temps de vol, il faudra rajouter de 25 à 60 minutes de taxi, bus ou transports divers pour aller de Orly à votre destination dans Paris. De plus, Transavia recommande d’arriver 2h30 avant l’heure de départ et ferme ses comptoirs 40 minutes avant. Air France « conseille »de venir 2h à l’avance et l’enregistrement ferme également 40 minutes avant le décollage. En temps cumulé de trajet porte à porte, tous calculs faits, voler de Biarritz à Paris prend donc en moyenne un peu plus de 4h, soit la même durée qu’un voyage en train qui lui dure 4h10.
Maintenant, parlons émissions de gaz à effet de serre. 
Le vol de Biarritz à Paris émet 173,9 Kg de CO2, soit 67 fois plus que son alternative en train qui est de 2,6 Kg de CO2. Ainsi, un seul vol Biarritz-Paris équivaut à l’empreinte de 340 repas végétariens, à l’utilisation d’un four pendant dix ans, ou bien à la fabrication de cinq smartphones.  
Si on convertissait les prix des déplacements en proportion de leur empreinte carbone, le billet d’avion coûte 464€ contre seulement 7€ pour le train. Dit autrement, le billet d’avion consomme 1,7% d’un budget carbone annuel à 10 tonnes, alors que le train, seulement 0,026%. Ainsi, dans un monde à 2 tonnes, un aller simple Biarritz-Paris consommerait 8,6% du budget carbone annuel d’un français. 
En résumé, l’avion est plus cher, plus polluant, et n’est pas plus rapide. De plus, les réservations sont plus compliquées, les aéroports plus difficiles d’accès ce qui encourage l’usage de la voiture, et, ce qui n’est pas des moindres, le confort de voyage n’est pas idéal puisqu’offrant moins d’espace, donc moins de possibilités de se déplacer, et moins de rangements.
Bienvenue donc dans ce monde dans lequel l’absurdité de voler de Biarritz à Paris perdure et loin d’être abandonnée. 
Bienvenue dans ce monde dans lequel le luxe d’une élite dilapide bêtement les précieuses tonnes restantes de notre budget carbone pour se donner l’impression de vivre comme dans un film américain.
Bienvenue dans ce monde dans lequel il faut que l’humanité, surtout celle qui a contribué massivement à l’état actuel de la planète, donc que cette partie de l’humanité accepte que la transition écologique nécessite de produire et consommer moins, différemment aussi, mais surtout : MOINS. Ça s’appelle la sobriété, la sufficience, le convivialisme, la simplicité volontaire, l’éco-socialisme, l’économie du bonheur, ou même le communisme décroissant, peu importe, il va juste falloir que les pays riches de ce monde produisent et consomment moins.
Bien sûr, ceci ne fait pas plaisir aux grandes entreprises et à la minorité possédante, toute cette bande de prédateurs qui s’enrichit des profits générés par ce système destructeur. 
Bienvenue dans ce monde dans lequel nous devons nous demander si nous acceptons de laisser brûler le climat pour éviter de froisser les retours sur investissement d’une poignée de milliardaires abrutis. 
Bienvenue dans un monde dans lequel la réponse est non et dans lequel la transition écologique fera des perdants, et que ces perdants sont les classes les plus aisées et donc les moins vulnérables qui devront faire le plus d’effort, à commencer par l’effort de renoncer à s’enrichir de l’exploitation des énergies fossiles, du vivant, du travail des plus faibles et de toute l’infrastructure qui va avec. 
Bienvenue dans un monde dans lequel il va falloir réécrire une grande partie du code du système économique actuel. 
Bienvenue dans un monde qui effraie toute une communauté d’éditorialistes soi-disant « spécialistes de l’économie » qui, après des années à parler de PIB et d’inflation comme si c’était la météo, ont complètement oublié à quoi servait une économie. 
Bienvenue dans un monde qui rappelle en permanence que cesser de produire quelque chose de polluant et d’inutile libère des ressources humaines et naturelles ce qui est la définition même du progrès économique. 
Bienvenue dans un monde qui bannira la pensée archaïque et destructrice selon laquelle il faut continuer à produire des SUV, continuer à promouvoir les vols courts en avion, continuer à considérer ces milliardaires bouffis de leur incompétence et de leur orgueil comme des modèles, par peur de faire baisser le PIB. 
Bienvenue dans ce monde dans lequel les générations futures se demanderont à bon droit comment nous en sommes venus à organiser la destruction du seul endroit où la vie est possible pour le confort d’une minorité organisant l’aberration d’un système reposant sur la croissance sans limites. 

Bienvenue dans les Nowakowskismes, cette zone de haute densité de lutte.
Bienvenue dans les Nowakowskismes, le rendez-vous de la liberté, de la pensée, de la vie digne, les Nowakowskismes rappellent sans cesse qu’il faut mobiliser ce qui nous lie, ce qui nous tient ; les Nowakowskismes rappellent sans cesse que c’est notre humanité retrouvée qui nous sauvera tout entier… 

Ce soir, les Nowakowskismes font leur les mots du Sous-commandant Marcos disant que « sur la planète entière, naissent et croissent des rébellions qui se refusent à accepter les limites des modèles, des règles, des lois et des préceptes. Parce que les genres ne sont pas seulement deux, ni sept les couleurs, ni quatre les points cardinaux, ni un le monde ». Ils rejoignent le « Voyage pour la vie », un évènement inédit dans l’histoire du mouvement zapatiste, qui prévoit de « parcourir le monde » pour rencontrer les multiples mondes qui le composent. 

En 2020, par la voix du sous-commandant insurgé Moisés, les zapatistes annonçaient l’organisation d’un voyage intercontinental « pour la vie », dont la première destination était le continent européen. Le « Voyage pour la vie »prévoyait de « parcourir le monde » pour rencontrer les multiples mondes qui le composent.
Les « mondes » auxquels se réfèrent les zapatistes correspondent à l’étendue des multiples différences, notamment de conception et d’expérimentation de la vie terrestre, intrinsèques à la composition planétaire. Ces différences, multiples et diverses au sein de la bio-communauté et des « mondes » qui peuplent la Terre, menacées par l’uniformisation des subjectivités et la globalisation capitaliste, sont les richesses de la diversité terrestre, celles à partir desquelles la vie sur Terre acquière une préciosité qui anime la lutte.
Pour contribuer à la préservation de la vie et des possibilités d’avenir terrestre, les objectifs de la démarche articulent « […] la rébellion qui est le NON au système. [Et la] résistance qui est le OUI à autre chose de possible ». Il s’agit d’être rebelles à la domination ontologique de la Modernité capitaliste et à la configuration étatique du politique. Par toute une démarche politique, citoyenne et collective, il s’agit de contribuer à l’effort de conception et de construction d’autres mondes, à l’élaboration d’alternatives radicales au triptyque destructeur Capitalisme-Modernité-Etat et à ses conséquences désastreuses.
Ainsi, le « Voyage pour la vie » consiste en un projet politique visant à créer les conditions propices à un tissage planétaire des résistances et des rébellions, à partir des rencontres entre les peuples du monde qui luttent « pour la vie ». Le « Voyage pour la vie » est aussi un dispositif d’apprentissage réciproque et d’échanges, de diagnostiques territoriaux et planétaires, de tactiques et de stratégies. 
De même que les destructions capitalistes sont planétaire, la lutte « pour la vie » doit être mondiale et permanente. Elle doit être un horizon de coordination pour la multiplicité des luttes planétaires. Tour ceci dessinera alors les contours d’une autre configuration planétaire possible invitant à considérer la possibilité, la viabilité et la désirabilité d’un monde des multiplicités, un plunivers.
La philosophie pluniverselle du plunivers contribue ainsi à l’émergence d’alternatives ontologiques à la prétention universelle du faire-monde de la Modernité capitaliste et des basculements anthropologiques nécessaires à la résolution collective des crises écosytémiques qui affectent la bio-communauté et l’écosystème terrestres.
La multiplicité des mondes n’est pas une conception abstraite, ce n’est pas non plus une forme de projection métaphysique ou un imaginaire rebelle irréaliste. La multiplicité des mondes est une conviction ancrée dans des rapports cognitifs singuliers et des relations sensibles particulières. A partir du concept du « sentir-penser » accompagné de la formule « raisonner avec le coeur », il deviendra possible de considérer d’autres épistémologies et d’autres ontologies que celles prétendument « universelles » que le monde-moderne impose au gré d’un processus colonial de mondialisation-globalisation.
Porter attention aux différences, à l’hétérogénéité des collectifs humains et à la diversité des formes de vie, constituent les bases concrètes à partir desquelles il sera possible de considérer que le monde commun, l’espace terrestre, est composé d’une multiplicité d’êtres-terrestres, végétaux, animaux, humain.es,… et donc d’une pluralité de conceptions-expérimentations de la vie sur Terre.
Cette multiplicité des mondes est une conception ontologico-politique qui émerge à partir de la sentipensée que « nombreux sont les mondes qui vivent et qui luttent dans le monde ». Celle-ci nie la volonté unimondiste de la Modernité capitaliste renforçant son hégémonie mondiale par la fermeture « définitive » de l’horizon des possibilités, dans l’enfermement dans le « présent-perpétuel postmoderne » et dans le « futur-préfabriqué de la modernité ». 
Ainsi, l’observation attentive des formes d’être-terrestre existantes et résistantes, et l’observation attentive de celles émergentes, démontrent que d’autres conception et d’autres expérimentations de la vie terrestre sont possibles. La critique de la mondialisation moderne-capitaliste, c’est-à-dire de l’uniformisation des être-terrestres et de l’homogénéisation des mondes qui peuplent la Terre, permet d’envisager des modifications radicales de nos modes d’existence individuels et collectifs ainsi que la co-conception d’autres mondes possibles, viables et désirables. 
Tout ceci n’est pas abstrait ou neutre, tout ceci est la base d’un répertoire de façons, écologiques et rebelles, de vivre-penser.
Cette réflexion, ces actions mènent au concept de « plunivers ». Le plunivers articule la reconnaissance d’une condition planétaire commune et la multiplicité des représentations, conceptions et perspectives de relationnalité terrestre et d’habitation du monde. En fait, le « plunivers » est un horizon non-normatif et non-téléologique. Le « plunivers » est une proposition de design en co-construction et en perpétuel devenir, qui s’élabore depuis la pluralité et la diversité des conceptions alternatives à l’hégémonie ontologique de la Modernité capitaliste et à sa prétention mono-ontologique.
Il s’agit alors de penser une articulation concrète du planétaire et des « nombreux mondes » qui le composent. 
C’est là que la philosophie de l’interculturalité qui induit une « politique du dialogue » permet d’outiller les basculements favorables à l’émergence d’un plunivers écologique et rebelle. L’interculturalité est la condition de la possibilité du plunivers qui n’est pas une multiplication de mondes autarciques affirmant leur prééminence sur les autres mondes, mais un monde composé de nombreux mondes coopérants. Ainsi, la « coexistence respectueuse » des mondes est un espoir de co-composition harmonieuse du monde commun. Elle suppose notamment une philosophie de la proportionnalité et une conception singulière de la liberté dans laquelle chaque monde reconnait ses propres limites  – ontologiques, épistémiques, spatiales, culturelles, … – et sa place singulière dans les interrelations planétaires, et agit en conséquence. À tout cela s’ajoutent la reconnaissance de la non-fixité et de l’horizon de perfectibilité des mondes permettant la reconnaissance des différences et variations pour que dans le dialogue des mondes, on puisse envisager un réel maillage planétaire de la pluralité de mondes différents et coopérants susceptibles de « créer d’autres conditions de vie, propices à l’apparition d’autres formes d’être-savoir-faire qui permettront de vivre autrement ».
Comment envisager de telles dynamiques de transformations ? 
Par l’ancrage territorial de la lutte rebelle qui permet de s’interroger sur une possible re-localisation de l’existence terrestre : une existence communale qui invite à rompre avec les conceptions moderne-capitaliste du « naturalisme », supposant et imposant une dichotomie entre l’humanité et la nature – l’un des « mythes » fondateurs de la Modernité occidentale. 
De plus, le mode d’existence urbain ancré dans le béton des villes ne permet évidemment pas l’autosubsistance et définit un « territoire de consommation », c’est-à-dire un espace social où la consommation est la principale mesure de l’activité humaine, la consommation étant globalement improductive dans les secteurs nécessaires à sa subsistance.
Dans les territoires rebelles, la conception d’une interrelation et d’une interdépendance écologique permet de considérer des « pratiques post-dualistes de l’inter-existence » relationnelles et écologiques. L’existence dans-et-avec les territoires est donc la prémisse d’une conception écologique de l’existence humaine ancrée dans la spécificité d’un lieux-territoire. 
Ainsi, par exemple, la re-localisation de la production alimentaire, la rediffusion d’une « culture paysanne » et une participation active dans les secteurs productifs garants de la subsistance et de l’autonomie sont quelques enjeux qu’il serait important de considérer pour permettre l’émergence des mondes écologiques reposant sur une philosophie du bien-vivre s’opposant à l’impératif productif du monde moderne-capitaliste. Le « bien-vivre » est une orientation éthique ; elle invite l’ensemble des collectifs humains à rompre avec la mesure quantitative de la valeur du mode d’existence moderne-capitaliste et à privilégier l’élaboration, individuelle et collective, d’une nouvelle philosophie écologique de l’existence.
Tout ceci constitue une inspiration possible pour débattre et construire des modes d’existence rebelles qui seront a minima, anticapitalistes et féministes, antiracistes et décoloniaux, critiques de la tradition moderne, autonomes, … Les modes d’existence rebelles, pluriels et divers, créatifs et hybrides, seront les inspirations pour les transformations subjectives et les basculements nécessaires à la rupture radicale de la reproduction individuelle et égoïste du mode d’existence constitutif de la Modernité capitaliste basée sur l’individualisme, la compétitivité, la surproduction, la surconsommation et l’exploitation destructrices du vivant. La perspective d’un monde commun composé de nombreux mondes implique une perspective de rébellion multi-modale et d’ampleur planétaire.
Le sous-commandant Marcos affirmait en aout 1997 que les poches de résistances sont « de toutes les tailles, de différentes couleurs, des formes les plus variées. (…) Il y’a autant de modèles qu’il y’a de résistances et de mondes dans le monde. De sorte que vous pouvez dessiner le modèle qu’il vous plait le mieux. Dans cette affaire de poches, comme dans celle des résistances, la diversité est richesse ».
Alors ? Qu’attendons-nous ? Il semble que le temps presse ! 

Voilà le temps des Nowakowskismes est terminé pour ce soir, et, c’est avec un extrait d’un grand poème d’Alexandre Pierrepont intitulé La fête des innocents. Ecoutez cela : 
« Et ainsi que telle légende au diapason stratégique des œufs et des proies
Telle boîte à musique, sa clef rouillée tournant dans l’obsession des faits et dans le vide
Telle claire fontaine desserrant l’étreinte des événements réels
Écoutez-moi bien
Si je vous dis que la danse est dessinatrice du son
Qu’il faut entrer dans la danse aux dents pointues des dieux anciens aux dents pointues
Des dieux anciens et édentés
Dans la gueule grande ouverte de la négativité de l’histoire
Rapidement calculer sa position et sa vitesse, faire vite, danser encore, passer outre
Être fluide, être fustigé et être printanier, inespéré par mesure de précaution
Être fluide comme le futur antérieur et sa si mince pellicule recouvrant l’épaisseur des choses
Il y a l’irrécupérable
Il y aura toujours l’inespéré ». 

Et toute dernière suggestion avant de finir, je vous recommande la lecture des deux livres de Becky Chambers, Un psaume pour les recyclés sauvages (https://www.l-atalante.com/catalogue/la-dentelle-du-cygne/un-psaume-pour-les-recycles-sauvages-9791036001192/) et Une prière pour les cimes timides (https://www.l-atalante.com/catalogue/la-dentelle-du-cygne/une-priere-pour-les-cimes-timides-9791036001291/), des délices proposant une vision d’un monde renouvelée. Joyeux, intelligent, pluniversel et positif.  

Sources, inspirations et références 
https://lundi.am/Ontologie-rebelle-graine-zapatiste-pour-une-autre-philosophie
https://lundi.am/Ubu-roi-d-Amerique
https://lundi.am/La-Fete-des-Innocents

Podcast – https://shows.acast.com/les-nowakowskismes/episodes/67361ef2530dc104c75ab712

Musiques 
Washington Dead Cats – I’m a dead cat 
Deep Purple – Love don’t mean a thing
Crosby, Stills, Nash and Young, le live at Fillmore East de 1969– Wooden ship

Bienvenue dans les Nowakowskismes, sur cette Terre, le seul endroit dans l’univers connu où la vie est possible, la 3e planète du Système Solaire accroché au Bras d’Orion au coeur de la Voie lactée partie du Groupe Local qu’on nomme ici Laniakea signifiant « paradis incommensurable » ou « horizon céleste immense » en hawaïen, Laniakea, ce superamas de galaxies englobant le superamas de la Vierge, dont fait partie la Voie lactée, et donc la Terre.
Bienvenue dans ce monde dans lequel les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont augmenté de 1,3 % en 2023, par rapport à 2022. 

Bienvenue sur cette Terre où, si l’humanité poursuit les politiques actuelle, nous nous dirigeons vers un réchauffement global d’environ 3,1°C en 2100. D’ailleurs, même si tous les engagements pris étaient tenus, nous nous orienterions vers un réchauffement catastrophique de 2,6°C. 
Voici ce que nous dit  l’« Emissions Gap Report 2024 », publié le 24 octobre par le Programme des Nations unies pour l’environnement. 
En fait, il dit aussi que  les émissions de gaz à effet de serre devraient chuter de 42 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 2019, pour maintenir le réchauffement sous les 1,5 °C comme le fixe l’objectif de l’accord de Paris. Pour maintenir la barre sous les 2 °C, la baisse devrait être de 28 % en 2030.
Bienvenue dans ce monde dans lequel, selon le dernier rapport OXFAM, un « milliardaire moyen » émet 7746 tonnes de CO2 par an, en raison, bien sûr, de ses grands besoins et de son goût prononcé pour les déplacements en jets privés ou pour les vacances dans des yachts de luxe. Une personne issue des 50% les plus pauvres du monde n’émet elle que 1,01 tonne par an en moyenne. Ainsi, notre Bernard Arnault national, le PDG du groupe LVMH, premier milliardaire français et cinquième mondial selon le dernier classement de Forbes avec une fortune estimée à 195,5 milliards de dollars, émet 8128,6 tonnes de CO2 par an. En fait, il émet 1200 fois plus de CO2 que la moyenne des Français. Mais pas d’inquiétude, il a revendu son jet privé parce qu’il en avait marre d’être traqué. Maintenant il loue ! 
Donc dans notre beau petit pays qui se pense grand, les émissions des Français les plus pauvres atteignent 3,8 tonnes annuelles, les 0,01% les plus riches en France émettent quant à eux 261 tonnes.
Enfin, cette ordure d’Elon Musk dont nous avons abondamment parlé dans les précédents nowakowskismes (https://nowakowski.hypotheses.org/2254), avec sa fortune estimée à 270,5 milliards de dollars, émet 5947 tonnes de CO2 par an. Il faudrait 834 ans à une personne moyenne pour émettre autant de gaz à effet de serre. 
Rappelons juste que chaque habitant de la planète devrait limiter ses émissions en moyenne à 2,8 tonnes de CO2 par an si l’on veut limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. 
Bienvenue dans ce monde dans lequel IKEA est responsable de l’abattage de 1% des forêts ! 
Bienvenue dans les Nowakowskismes, cette zone de haute densité de lutte.
Bienvenue dans les Nowakowskismes, le rendez-vous de la liberté, de la pensée, de la vie digne, les Nowakowskismes rappellent sans cesse qu’il faut mobiliser ce qui nous lie, ce qui nous tient ; les Nowakowskismes rappellent sans cesse que c’est notre humanité retrouvée qui nous sauvera tout entier… 
Ce soir, les Nowakowskismes tentent une réflexion vers des horizons ouvrant vers un peu d’optimisme dans un monde dans lequel les émissions de gaz à effet de serre ne devraient baisser que de 2,6% en 2030, ce qui est bien loin des 43% nécessaires pour limiter le réchauffement climatique. Alors, comment penser autrement l’informatique et ainsi imaginer le permacomputing ou autrement dit, comment envisager l’informatique pour un monde dans lequel les civilisations humaines contribuent au bien-être de la biosphère plutôt que de la détruire. Et, plus généralement, comment faire entendre les voix effacées du vivant, les voix effacées de tant de cultures, et prôner l’humilité de l’humanité devant toute forme de vie au nom de notre avenir commun. 

Petite question. Et si, au lieu d’alimenter la course sans fin aux pixels et à la puissance de calcul, on imaginait des outils numériques sous contrainte planétaire.
Et si, nous nous inspirions des principes de la permaculture pour repenser notre rapport à l’informatique, au numérique. Le mot « permacomputing » est apparu en 2020 sous la plume de l’artiste et développeur hollandais Ville-Matias Heikkilä. Evidemment, cette approche peut sembler « paradoxale » tant l’informatique incarne de nos jours « le gaspillage industriel ». N’y a-t-il pas une vision de la haute technologie comme l’informatique pour un monde dans lequel les civilisations humaines contribuent au bien-être de la biosphère plutôt que de la détruire ? 
Le permacomputing se veut imaginer une telle possibilité, et cheminer dans cette direction.
Les dix principes du permacomputing sont disponibles sur un « wiki ». On y parle de prendre soin du vivant en réduisant au maximum l’empreinte écologique, de privilégier les systèmes de petite taille et l’open source, de s’enraciner solidement dans le sol en programmant des logiciels voués à durer dans le temps, et surtout de fuir tout ce qui s’apparente à la monoculture en célébrant la diversité… 
Le but de cette démarche est de proposer des contre-récits aux « esthétiques techno-maximalistes et gourmandes », et plus largement aux logiques extractivistes qui font payer le prix fort aux plus fragiles de ce monde, et plus particulièrement à tous les habitants du Sud global. 
Des approches sont déjà tentées par exemple dans le domaine des jeux vidéo. Ainsi, dans le jeu Aggregate, le joueur incarne un employé de data center errant dans un paysage sombre peuplé de pylônes électriques, de structures abandonnées et de ronces. Dans ce jeu, une attention particulière a été accordée à la nature des jeux de données. Exit les data sets « occidentalo-centrés et hétéro-patriarcaux » ; les données utilisées sont issues d’une communauté de cruisers faisant la part belle à l’expression des cultures queer. 
Pour continuer dans cette logique, on peut également aborder la notion de féminisme des données. Le féminisme des données est à la fois un mouvement et un mode de pensée qui s’oppose à la manière dont le monde des datasciences considère les données, c’est-à-dire, comme un matériel à exploiter. Le féminisme des données propose à la science des données et au mouvement pour l’ouverture des données qui le structure, de se réinventer, de prendre en considération d’autres valeurs pour partager et exploiter les données. Le féminisme des données n’est pas qu’une critique, il est d’abord et avant tout un programme pour remettre le consentement au cœur de l’échange de données et construire une science des données qui émancipe les utilisateurs plutôt qu’elle ne les exploite.
Le féminisme des données repose sur 7 principes. Il s’agit d’examiner le pouvoir  afin de défier le pouvoir. Le data féminisme s’engage ainsi à remettre en question les structures de pouvoir inégales et à œuvrer pour la justice. En valorisant l’émotion et l’incarnation, le féminisme des données nous enseigne à savoir valoriser de multiples formes de connaissances, y compris celles qui proviennent des personnes en tant que corps vivants et sensibles dans le monde. En conséquence, le féminisme des données repense le binarisme et les hiérarchies. Il remet en question le binaire du genre, ainsi que d’autres systèmes de comptage et de classification qui perpétuent l’oppression.
Avec le féminisme des données, c’est adopter le pluralisme. Il s’agit d’insister sur le fait que la connaissance la plus complète provient de la synthèse de perspectives multiples, la priorité étant donnée aux modes de connaissance locaux, autochtones et expérientiels.
Ainsi, en tenant compte du contexte, le féminisme des données réaffirme que les données ne sont pas neutres ou objectives. Elles sont le produit de relations sociales inégales, et ce contexte est essentiel pour mener une analyse précise et éthique.
Enfin, il oeuvre pour rendre le travail visible. En effet, le travail de la science des données, comme tout travail dans le monde, est le travail de millions de mains très souvent invisibilisées. Le féminisme des données rend ce travail visible afin qu’il soit reconnu et valorisé.
La science des données doit désormais dépasser ses présupposés premiers, à savoir ses méthodes uniquement quantitatives reposant sur la seule puissance des données, la force brute des traitements automatisés, sa fausse neutralité, son ouverture sans enjeu…
Le féminisme des données ne vise pas à produire de la technologie pour elle-même, mais au contraire, à en libérer les acteurs. Utiliser les données pour mettre fin à l’oppression est un objectif bien plus stimulant que les utiliser pour la perpétuer.
Les limites de l’ouverture et de la transparence dans les systèmes techniques sont dénoncées depuis longtemps. Peut-être que pour les dépasser, faut-il remiser et réinventer les concepts qu’on utilise, en tout cas les mettre à jour ! Par exemple, en passant de l’éthique à la justice, en passant du biais à l’oppression, de la loyauté à l’équité, de la responsabilité à la co-libération, de la transparence à la réflexivité, de la compréhension des algorithmes à la compréhension de l’histoire, de la culture et du contexte… L’enjeu est de sortir de la recherche de solutions technologiques pour s’intéresser aux problèmes que pose la technologie. Ce n’est certes pas un petit pas de côté. Dépasser les limites de l’ouverture des données ou du gouvernement ouvert, il s’agit alors de revenir au sens et à l’impact des données, en faire un outil de changement social profond plutôt qu’une arme d’oppression au service du pouvoir financier en promouvant une voie d’appropriation et de libération.
Continuons cette réflexion et poussons un peu plus loin. 
L’humanité est devenue la principale force de transformation sur Terre. Il s’agit aujourd’hui de prendre conscience des implications de la reconnaissance et de l’oubli des histoires profondes de la vie, de l’océan de microbes qui se trouve à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de nos organismes. Il nous faut provincialiser les humains, c’est-à-dire nous efforcer de les placer dans une autre perspective. Nous humains pensons en général être les êtres les plus importants sur Terre. Or, se confronter à la longue histoire de la planète, c’est surtout comprendre que nous ne sommes qu’une forme minoritaire qui, au long des cent dernières années, a fini par écraser toutes les autres. C’est aussi prendre conscience que les microbes, des organismes microscopiques, sont les plus vieux habitants (ils sont là depuis environ 3,8 milliards d’années) de ce monde, qu’ils sont de loin les plus nombreux et qu’ils jouent un rôle plus crucial dans le maintien de la vie que l’humanité ne le fera jamais. On pourrait même dire que les humains ressemblent aux blancs vivant en Afrique du Sud pendant le régime de l’apartheid, c’est-à-dire une minorité raciste dominant la majorité en faisant preuve d’une dureté égoïste et menaçant chaque membre de la société. Or, une minorité ne peut considérer le monde comme acquis. 
Aujourd’hui, nous avons vécu en nous persuadant que la rivière, le glacier seraient toujours là, et péniblement, douloureusement, nous réalisons que nous allons tout annihiler et nous tuer par la même occasion. Or, si nous nous plaçons dans cette histoire et long temps, il peut être intéressant de distinguer deux concepts, le globe et la planète. Alors que le mot planète renvoie à une histoire de 4,5 milliards d’années, qui précède de longue date les premiers humains, le globe de la globalisation ne date lui que de 100 ans. Il résulte de l’action d’une petite partie de l’humanité, qui a donné la colonisation, le capitalisme, les nationalismes post-coloniaux et modernisateurs, la technologie prédatrice et conquérante. Certes, nous avons pu globalement augmenter la longévité humaine, déployer des techniques incroyables en seulement quelques dizaines d’années, comprendre avec encore plus d’acuité l’univers, envoyer des robots loin dans l’espace, … mais la méthode que cette partie de l’humanité a choisi a fait que le prix exorbitant à payer est le changement climatique, l’extinction massive des espèces, les phénomènes météorologiques extrêmes, l’exploitation massive des ressources et des humains… 
Une partie de l’humanité a étendu sa domination en ignorant la planète, et celle-ci se rappelle à nous, surtout que cette planète, c’est elle qui rend la vie humaine possible, et qu’il n’existe pas d’autres candidates. 
En développant cette technologie, nous nous sommes crus fantastiques, nous n’avons plus eu peur de rien. Nous avons progressivement oublié la culture de la révérence sur laquelle reposent les systèmes anciens, indigènes et même paysans. La planète nous invite à l’humilité parce qu’elle n’a pas été faite pour nous. Tout nous exhorte au retrait, au recul, à une forme de décroissance. 
Et surtout, tout cela doit nous inciter à refonder le politique, non pas seulement en termes de souveraineté humaine, mais en termes de partage du monde avec les non-humains. 
Plus nous resterons dans le déni, plus la crise s’amplifiera. Nos vies se réduiront à celles de créatures en concurrence avec d’autres espèces à seule fin de survivre. 
L’idée n’est pas d’abandonner la technologie mais de commencer par identifier ce que la technologie nous apporte et ce qu’elle nous retire, ce que nous voulons garder, et ce que nous voulons abandonner. Sous la pression des puissants, des gouvernements, … et de leurs milliards de dollars, c’est le projet de gagner du temps, pour prolonger la civilisation de l’énergie pour encore des décennies et reporter le problème sur les épaules des enfants et des petits enfants. 
Face à cette bêtise mortifère, des projets plus destructeurs les uns que les autres – captation du carbone, atténuation de la lumière du soleil, … et j’en passe – la lutte consiste à faire entendre nos voix, pour convaincre que la mort de « cette »civilisation, la mort des idées destructrices d’un Elon Musk et de toute sa bande, ne signifie pas la mort de toutes les idées possibles de civilisation, sur une planète où le ciel sera encore bleu, les couchers de soleil flamboyants. N’oublions pas que plus nous restons dans le déni, plus nous serons réduits à survivre ! 

Des pistes pour réfléchir ? « Parce qu’il semble parfois que cette histoire touche à sa fin. Nous sommes plusieurs à penser, depuis notre coin d’avoine sauvage, au milieu du maïs extra-terrestre, que, plutôt que de renoncer à raconter des histoires, nous ferions mieux de commencer à en raconter une autre, une histoire que les gens pourront peut-être poursuivre lorsque l’ancienne se sera achevée ». 
Pierre Kropotkine, philosophe, naturaliste et anarchiste du début du XXe siècle avait mis en évidence dans son recueil de texte intitulé L’entraide : un facteur de l’évolution les similitudes entre les mécanismes de coopération et de réciprocité qu’il avait observés dans le monde animal, dans des sociétés européennes, dans les villes libres du Moyen Âge et dans les mouvements ouvriers de la fin du XIXe siècle. Pour Kropotkine, c’est la solidarité qu’il faut viser, parce que c’est la solidarité qui traduit le mieux l’aspiration à l’enchevêtrement au bénéfice mutuel de toutes les parties et c’est par la solidarité qu’on s’opposera aux divisions et aux hiérarchies. Se déclarer solidaire du monde plus qu’humain signifie reconnaître les différences radicales qui existent entre nous et les autres êtres, tout en insistant sur la nécessité de permettre l’aide, le soin et la croissance mutuels. 
La solidarité est un produit de l’imagination aussi bien que l’action, car pratiquer l’attention et le soin les uns avec les autres signifie résister à la planification, à l’optimisation, à l’exploitation et à la surproduction destructrice.
Placer la solidarité au coeur de notre relation avec la technologie participe ainsi du changement nécessaire qui nous permettra d’envisager un autre récit et par là un avenir digne pour l’ensemble du vivant sur cette planète. 
Il y a plus d’un demi-siècle un auteur de science-fiction bien connu a énoncé les 3 + 1 lois de la robotique. À bien y regarder, ces lois n’ont jamais servi à réguler les comportements de machines automatisées ou de robots, ces lois ne sont que le miroir que nous devons nous tendre à nous humains qui concevons, surproduisons et exploitons des techniques incroyablement puissantes au détriment de nos vies et du vivant, pour nous interroger sur les conditions de ces usages, de la fabrication et surtout les limites que nous devons poser à notre propre démesure mortifère. 
C’est donc tout l’intérêt d’envisager une écologie de la technologie qui prendra en compte ses effets et ses répercussions sur nos vies et nos sociétés ainsi que sur les vies et les sociétés des non humains et des écosystèmes vivants. Parce qu’il s’agit d’une écologie, le fait d’y prêter attention et d’en avoir soin ne changera pas seulement la technologie et la société, cela changera tout !

Voilà le temps des Nowakowskismes est terminé pour ce soir, et, c’est avec Ursula le Guin et un extrait de sa théorie de la fiction panier que nous terminons. Ecoutez cela : « Si c’est faire quelque chose d’humain que de mettre une chose que vous voulez dans un sac, parce que cette chose est utile, comestible ou belle, de la placer dans un panier, dans de l’écorce ou dans une feuille enroulée, dans un filet tissé avec vos propres cheveux, ou dans tout ce que vous voulez, et ensuite de ramener à la maison cette chose-là, dans une maison qui n’est qu’une autre sorte de grande poche ou de grand sac, un contenant pour les gens, et que plus tard vous ressortez cette chose pour la manger, la partager, la conserver pour l’hiver dans un récipient plus solide, la mettre dans le sac-médecine, sur l’autel ou dans le musée, à l’endroit vénéré, dans l’espace qui contient ce qui est sacré, et que le lendemain vous faites plus ou moins la même chose – si faire cela est humain, si c’est cela qu’il en coûte, alors je suis un être humain après tout. Pleinement, librement, joyeusement, pour la première fois ». 

Podcast – https://hearthis.at/radio-campus-lorraine-mu/nowakowskismes-9.4-limagination-nous-reveille-de-lanesthesie-des-maitres/xGE/

Musiques 
Arthur Teboul & Baptiste Trotignon, Piano Voix – https://youtu.be/6zSfY5Nd1vM?feature=shared 
David Crosby, https://youtu.be/TeZS3gpk2aI?feature=shared 
Trotignon, Piano forte – Cornfield chase – https://youtu.be/6TxMl8U-vjY?feature=shared 

Sources, inspirations et références
https://reporterre.net/Les-politiques-climatiques-actuelles-menent-le-monde-a-3-1oC-de-rechauffement-en-2100
https://usbeketrica.com/fr/article/le-permacomputing-ou-quand-la-permaculture-s-applique-a-l-informatique
https://www.terrestres.org/2018/10/14/la-theorie-de-la-fiction-panier/
Après le changement climatique, penser l’histoire. Divesh Chakrabarty. 2021
https://www.novethic.fr/economie-et-social/droits-humains/les-milliardaires-et-leur-budget-carbone-les-chiffres-fous-du-rapport-doxfam
https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/02/27/ikea-le-seigneur-des-forets-sur-arte-un-predateur-discret-champion-du-greenwashing_6218889_3246.html
https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/crise-climatique/crise-climatique-l-onu-estime-que-les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-vont-baisser-de-2-6-en-2030-loin-de-l-objectif-de-reduction-de-43-affiches-par-les-pays_6864602.html

Bienvenue dans les Nowakowskismes, sur cette Terre, le seul endroit dans l’univers connu où la vie est possible, la 3e planète du Système Solaire accroché au Bras d’Orion au coeur de la Voie lactée partie du Groupe Local qu’on nomme ici Laniakea signifiant « paradis incommensurable » ou « horizon céleste immense » en hawaïen, Laniakea, ce superamas de galaxies englobant le superamas de la Vierge, dont fait partie la Voie lactée, et donc la Terre.
Bienvenue dans ce monde dans lequel 73 % des populations de vertébrés sauvages ont décliné depuis 1970.
Bienvenue dans ce petit pays dans lequel BNP Paribas a largement contribué aux 500 milliards de dollars qui ont été distribués aux multinationales responsables de la déforestation en Amazonie brésilienne. Sur la période 2014-2023, BNP Paribas a porté à elle seule 3 % des financements arrosant les 39 multinationales dont l’activité dans la production de soja, de bœuf, d’huile de palme et de pâte de bois destinée à l’exportation a entraîné la destruction de plus de 300000 hectares de forêt.
Déjà éclaboussée par plusieurs assignations en justice, BNP est donc la 6ᵉ banque internationale impliquée dans la déforestation, aux côtés de groupes américains, britanniques, chinois et japonais. Pour information, les banques françaises ont fourni 7,7 % des financements responsables de la déforestation.
Enfin, après TotalEnergies et Shell, c’est au tour du Britannique BP de revenir sur ses engagements climatiques. BP a abandonné son objectif de réduction de la production de pétrole et de gaz d’ici 2030 et revu à la baisse sa stratégie de transition énergétique vers les énergies renouvelables pour quelles raisons à votre avis ??? « afin de regagner la confiance des investisseurs » et « combler un écart de valorisation avec ses rivaux dans le secteur de l’énergie ». 
Il y a quelques jours, TotalEnergies avait lui aussi annoncé une croissance de la production d’hydrocarbures supérieure à 3% sur les deux prochaines années 2025 et 2026, et de 3% par an d’ici à 2030 ! Là aussi, certainement « afin de regagner la confiance des investisseurs » ! 
Pour terminer les pieds dans la boue de pétrole, quel est ce pays dans lequel l’industrie des hydrocarbures représente 90 % des recettes d’exportation du pays et 51,5 % des recettes budgétaires de l’État ? Quel est le pays qui va organisé en novembre à Bakou, la COP29 ? Ce pays c’est l’Azerbaïdjan ! 
Et, s’il y a un pays où il ne fait pas bon être militant pour le climat, c’est bien l’Azerbaïdjan. En critiquant la filière climaticide du pétrole et du gaz, les activistes écologistes s’élèvent contre les intérêts financiers du gouvernement et se mettent donc en danger eux-mêmes. Dans ce beau pays, les enquêtes sur les méfaits de l’industrie fossile ou les plaidoyers en faveur d’une élimination progressive des énergies fossiles, sont tout simplement interdits. Bien sûr, cette répression provoque la crainte. Selon un rapport de Human Rights Watch, toutes ces arrestations et ces condamnations de militants écologistes mais aussi de défenseurs des droits humains et de journalistes de médias indépendants auraient incité des activistes à quitter le pays réduisant encore la diversité des organisations et des activistes osant défier le gouvernement azerbaïdjanais. Il est évidemment difficile d’imaginer comment des associations ou des journalistes azerbaïdjanais pourront ouvertement critiquer les politiques climatiques du gouvernement et exiger lors de la COP29 des mesures pour respecter les engagements pris par l’Azerbaïdjan dans le cadre de l’Accord de Paris de 2015 ! 
Bienvenue dans les Nowakowskismes, cette zone de haute densité de lutte.
Bienvenue dans les Nowakowskismes, le rendez-vous de la liberté, de la pensée, de la vie digne, les Nowakowskismes rappellent sans cesse qu’il faut mobiliser ce qui nous lie, ce qui nous tient ; les Nowakowskismes rappellent sans cesse que c’est notre humanité retrouvée qui nous sauvera tout entier… 
Ce soir, les Nowakowskismes après cette petite escapade dans la boue de l’industrie du pétrole, s’infiltrent dans la mafia de la tech. La mafia de la technologie, des réseaux, de l’IA, …  a son QG au coeur de la Silicon Valley. Et le Parrain, le consigliere, les hommes de main, … les coups fourrés, le culte du secret, l’application systèmique de la non-transparence et les connivences avec le pouvoir politique, ..  tout est là, dans une super-production qui joue avec les milliards de dollars mais qui est quand même loin d’avoir le charme des films de Coppola.

Vous êtes prêts ? Bouchez-vous le nez et allons-y !

Dans la famille, il y a…
Curtis Yarvin, dit l’idéologue, 51 ans, programmeur informatique et blogueur, riche très riche, affirmant que « si les américains veulent changer de gouvernement, ils devront surmonter la phobie des dictateurs ». Invité pendant 1 heure avec tous les honneurs en 2021 dans l’émission de Tucker Carlson sur FoxNews, il y distille sa haine de la démocratie parlementaire en tant qu’idéologue du mouvement les Lumières sombres, les Lumières sombres, un mouvement ouvertement antidémocratique et réactionnaire. 

Dans la famille, il y a… 
David Sacks, l’entremetteur, 52 ans, il est à la tête d’une fortune de 250 millions de dollars. En juin dernier, il organise un diner dans sa maison de San Francisco avec Trump afin de lever des fonds pour sa campagne. Il applique à la politique une vision technologiste à savoir que le choix entre Trump et Biden se résume à un test A/B, 4 ans Trump / 4 ans Biden, et selon sa vision du monde, c’est Trump qui l’emporte.

Dans la famille, il y a…
Marc Andreesse, fondateur du fonds de capital risque Andreessen-Horowitz, sa fortune est de 1,8 milliards de dollars. En octobre 2023, il publie un « manifeste techno-optimiste » dans lequel il proclame sa haine de l’éthique et affiche son obsession pour une humanité « productive ». Pour lui, « notre ennemi est la décélération, la décroissance, la dépopulation ». Il faut beaucoup de petites mains humaines pour garantir le confort des puissants. 

Dans la famille, il y a…
Peter Thiel, le boss, 56 ans, c’est le président de Palantir et de plusieurs autres fonds d’investissement. Palantir c’est LA société spécialisée dans l’analyse de données sensibles. Très largement employée par les services secrets et de nombreuses forces de l’ordre dans le monde entier, elle se présente hypocritement comme une aide à la prise de décision ! Sa fortune s’élève à 9,7 milliards de dollars. Pour lui « la technologie quand elle n’est pas régulée, permet de changer le monde sans recevoir l’approbation des autres. À son meilleur, elle n’est pas soumise au contrôle démocratique et à la majorité qui est souvent hostile au changement ». Rappelons juste qu’en 1995, à sa sortie de Stanford, il a co-écrit avec David Sacks, Le mythe de la diversité, un pamphlet raciste faisant l’apologie du viol. Mais tout va bien il s’est excusé publiquement vingt ans plus tard ! Les salauds américains sont adeptes de l’absolution par la confession. 

Dans la famille, il y a… 
Elon Musk, 53 ans, patron de X, Tesla, SpaceX, Starlink, … Neuralink, … pâle copie de Reid Malenfant le héros conquérant des romans de Stephen Baxter, à la tête d’une fortune de 250 milliards de dollars. Fortune baudruche dopée aux fonds de l’état fédéral, moins d’état quand ça arrange mais ne crachant jamais sur de l’argent venant de l’état, personnage baudruche dopé par un mirage savamment entretenu par cette société du spectacle décadente. Après la tentative d’assassinat de Trump, il a promis de donner 45 millions de dollars par mois à un comité d’action politique pro-Trump. Et nous passerons toutes ses saillies, les insultes, le relais de propos complotistes, … le pire de la bêtise dopée aux milliards de dollars ! 
Donc, longtemps, la silicon valley, l’épicentre du monde technologique, fut un bastion démocrate. Et, en 2017, Trump l’a emporté ! 
Depuis, le rapport de force a sensiblement changé. Elon Musk a fait de Trump son champion. Et il n’est pas le seul. Son bras droit David Sacks, membre comme lui de la « mafia PayPal », ces gens qui ont fait fortune grâce à cette application de paiement, est devenu son agent de liaison entre les entrepreneurs et l’état-major républicain. Mais aussi, Peter Thiel, premier investisseur extérieur de Facebook, qui fut le conseiller numérique de Trump président, a réussi à imposer à Trump un co-listier qu’il a lui-même été fabriqué pour l’occasion dans l’usine à trumpistes qu’est le Claremont Institute (vous pouvez jeter un oeil au site web https://www.claremont.org), ce co-listier fut un temps salarié d’un de ses fonds d’investissement, avant de devenir sénateur de l’Ohio grâce à un don de 15 millions de dollars de Thiel lui-même. Ce co-listier c’est J.D. Vance qui est, on s’en doute, un partisan déclaré et zélé du coup d’état institutionnel. Ce J.D. Vance a tout naturellement déclaré que « s’il avait un conseil pour Trump, ce serait de renvoyer tous les fonctionnaires, tous les bureaucrates et de les remplacer par des gens à nous » ! 
En fait, et on le sait depuis un bout de temps, tous ces libertariens se méfient voire détestent viscéralement l’idée même de l’état. Ils sont historiquement hostiles à toute organisation collective, ils adhèrent au culte du génie, ils sont obsédés par l’innovation et cultivent la non transparence dans leurs activités. Toutes ces sombres individus ne mettent pas vraiment en pratique une vision progressiste de la société et leur vision toxique du monde a très certainement été un moteur de l’ascension de Trump vers le pouvoir. Ces gens qui font la pluie et le beau temps dans la Silicon Valley sont le résultat de trois grands courants idéologiques. Un premier venant de la droite dure fuyant le capitalisme grand bourgeois de la côte est, un second traversé par les influences d’une forme de socialisme utopique venu de Stanford, rappelons que les fondateurs sont issus de l’Indiana qui fut pendant longtemps l’état le plus raciste des Etats-Unis, et enfin, et ce depuis depuis longtemps également – n’oublions pas qu’internet, l’IA, … ont bénéficié de fonds venant de l’armée – c’est donc la proximité avec le complexe militaro-industriel. Tout ceci contribue à dessiner une vision d’un monde au service de l’homme blanc, réactionnaire et élitiste, le mâle blanc comme maître du monde. En fait, s’installe l’idée qu’un coup d’état technologique est possible. Ce coup d’état technologique menace et vise tout ce qui structure les démocraties à savoir des élections libres, l’état de droit, la séparation des pouvoirs, l’existence d’un débat public, la sécurité nationale, les libertés publiques. 
Enfin, derrière tout cela se cachent également des idées encore plus nauséabondes portées par toute une bande d’intellectuels discrets et serviles qui susurrent aux oreilles des patrons influents dans un petit remake bien réel de Grima Langue de serpent. Il y a donc de quoi s’inquiéter face à la montée de ce « techno-autoritarisme » qui, tout en se réclamant de l’esprit des Lumières, promeut violemment et à coup de milliards de dollars un mouvement anti-démocratique et illibéral. Qui sont ces prophètes qui portent cette parole aux USA et partout dans le monde capitaliste ? Ce sont de pseudo-philosophes imprégnés de science-fiction et obsédés par la fin du monde dont les modèles politiques sont la monarchie ou la Hongrie de Orban, Orban qui selon eux est l’incarnation du « Cesar américain » dont rêve ce Curtis Yarvin, gourou de Lumière sombre. 
Pour tous ces sombres individus, ennemis de l’égalitarisme, le progrès technologique est intrinsèquement bon, l’autodétermination des individus, accessoire, et l’exercice de leur pouvoir, sans limites. Ces gens se voient comme le parti de l’intelligence protégeant le monde de l’obscurantisme. Ces idéologies sont longtermistes – une théorie morale qui donne la priorité à l’amélioration du bien-être de l’humanité à long terme sur l’amélioration du bien-être de l’humanité présente – ; elles sont transhumanistes – une idéologie et un mouvement prônant l’usage des sciences et des techniques afin d’améliorer radicalement la condition humaine par l’augmentation des capacités physiques et mentales du corps humain et la suppression du vieillissement et de la mort – et extropianistes c’est-à-dire la foi en une organisation croissante et illimitée par la science et les techniques. Toutes ces visions du monde sont héritières des théories eugénistes du XXe siècle et agitent en permanence le spectre de l’extinction de l’espèce humaine pour promouvoir des projets de société comportant une terrible violence sociale. Toutes combinent une vision utopique du futur à une interprétation utilitariste de l’éthique expliquant que la fin justifie les moyens. On rejoint ainsi le pire de l’humanité, les nazis, le mouvement religieux Aum ou encore les anabaptistes de la révolte de Munster au XVIe siècle qui cherchèrent à installer une théocratie administrée par la terreur, pour ne citer qu’eux. 
Aujourd’hui, toute cette mafia réactionnaire a infiltré les institutions gouvernementales en particulier grâce à l’appât que constitue l’intelligence artificielle. Ainsi de l’ONU au antres du pouvoir occidental et ailleurs, on se passionne pour des visions d’un futur qui sera tout sauf bienheureux pour la majorité d’entre nous si les manettes de ce futur sont aux mains de ces individus. L’IA comme projet politique ultime d’une société c’est faire oublier les mythes associés aux promesses technologiques. Ainsi, les mythes de l’IA déversés par ces bandes mafieuses visent à produire non seulement une perception confuse de leur réalité, mais à influer sur les transformations légales qui permettront son déploiement. Tout ceci participe ainsi d’un narratif visant à faire évoluer le droit en imposant un récit qui légitime le pouvoir perturbateur de la technologie et donc de leur pouvoir à eux, s’érigeant en rempart et recours contre les peurs du commun des mortels. 
En résumé, quand les mythes élaborés jouent à faire peur avec le potentiel d’une technique, ils fertilisent un terrain visant à la rendre plus puissante qu’elle ne l’est objectivement.
Quand les mythes d’un futur technique est déjà là – tiens ça me rappelle le slogan de l’équipe, Ici c’est déjà demain – ils ferment les portes des autres futurs possibles et closent tout débat sur ce sujet.
Quand les mythes vendent l’idée que la technique est neutre, qu’elle peut être utilisée pour émanciper ou détruire en détournant à leur avantage le principe du pharmakos, ils mettent en place une stratégie destinée à occulter le fait que les acteurs impliqués – vous voyez de qui je veux parler – se sont entendus pour en faire ce qu’elle est, conformément à leurs intérêts et surtout en fermant toute possibilité d’en débattre démocratiquement. 
Quand les mythes imposent des soi-disant garde-fous, ils ne font que mettre en place les limites qui les arrangent bloquant toutes les questions cherchant à demander pourquoi et comment on investit dans cette technique.
Les mythes ainsi construits, avec l’aide des médias et des journalistes ignares ou à la solde, permettent de crédibiliser des techniques et les promesses techno-scientifiques associées. Ils oeuvrent à l’installation d’un état de nécessité visant à cacher tous leurs intérêts particuliers, à favoriser leurs visées politiques et à déplacer le pouvoir des institutions démocratiques vers les acteurs privés. 
Bienvenue dans le technocapitalisme !

Vous pensiez que j’en avais fini ? Et bien non ! 
Faisons un petit détour par la campagne électorale états-unienne. Vous vous doutez que nous ne sommes pas loin des sinistres individus dont nous venons de parler, et de leurs agissements.
Connaissez-vous America PAC ? 
Tout d’abord qu’est-ce qu’un PAC ? Un PAC est un comité d’action politique (en anglais, Political Action Committee ou PAC). Le PAC est une organisation privée dont le but est d’aider ou au contraire de gêner des élus. Un PAC peut ainsi mettre des moyens souvent colossaux pour encourager ou pour dissuader l’adoption de certaines lois, bien sûr en fonction des intérêts de ceux qui ont créé ce PAC. Certes, les conditions qui déterminent si une organisation est classée comme PAC, sont fixées par la loi de l’État et par la loi fédérale. Ainsi, selon la loi sur les campagnes électorales fédérales (Federal Election Campaign Act), une organisation reçoit le statut de « comité politique » si elle reçoit des dons ou si elle effectue des dépenses au-delà de 1000 dollars, et ceci dans le but d’influencer une élection fédérale. Pas mal non comme dispositif hein ? 
Donc America PAC est lui un super comité d’action politique lié devinez à qui ?.. Je vous le donne en mille … Elon Musk… comme c’est bizarre de le retrouver là !? Or, America PAC ne travaille pas seulement à faire élire des républicains, donc Trump, mais collecte également des informations sur les électeurs dans les États clés. Vous allez me dire rien de nouveau sous le soleil. Mais là, avec Elon Musk, on a affaire à autre chose. Ainsi, une publicité en ligne pour America PAC présentant bien sûr des images de la récente tentative d’assassinat visant Trump renvoie les téléspectateurs vers des sites Web différents dépendant de l’endroit des USA d’où est regardée la publicité.
Si l’utilisateur vit dans un État qui n’est pas considéré comme compétitif dans l’élection présidentielle, comme la Californie ou le Wyoming par exemple, il sera seulement invité à saisir son adresse e-mail et son code postal, puis redirigé rapidement vers une page d’inscription des électeurs pour son État, ou à revenir à la section d’inscription d’origine. 
Mais, pour les utilisateurs qui saisissent un code postal indiquant qu’ils vivent dans un État clé, comme la Pennsylvanie ou la Géorgie, le processus est très différent. En effet, plutôt que d’être redirigés vers la page d’inscription des électeurs de leur État, ils sont redirigés vers un formulaire très détaillé de collecte d’informations personnelles. Ils sont invités en très autres à saisir leur adresse, leur numéro de téléphone portable et leur âge. Etonnamment, s’ils acceptent de livrer tout cela, le système ne les dirige pas vers une page d’inscription des électeurs mais vers une page de remerciements. 
En fait, une enquête l’a montré, ce système vise juste à arnaquer les gens en leur faisant croire qu’ils se sont inscrits pour voter, simplement pour leur soutirer des informations personnelles en leur promettant de les aider à s’inscrire pour voter, et surtout de ne pas les aider à s’inscrire pour voter. 
Bien sûr, America PAC a refusé de commenter et Musk n’a pas daigné répondre aux sollicitations. Il a juste confirmé avoir créé America PAC lors d’une interview vidéo du 22 juillet sur X avec le commentateur de droite Jordan Peterson. L’America PAC a déjà récolté des millions de dollars, grâce à des dons de capital-risqueurs et d’investisseurs en cryptomonnaies. Le mois dernier, le sénateur Bernie Sanders a publiquement remercié Musk pour avoir fait je cite « un travail exceptionnel pour démontrer un point que nous soulignons depuis des années, à savoir que nous vivons dans une société oligarchique dans laquelle les milliardaires dominent non seulement notre vie économique et les informations que nous consommons, mais aussi notre politique ». Merci Bernie ! Pour finir avec quelques mots. 
Si avec tout ce que les Nowakowskismes viennent de vous raconter, c’est certainement le moment de quitter X, et de revendre votre Tesla, mais surtout c’est continuer à avoir un regard critique et veiller à ce que le monde à la sauce du techno-capitalisme n’advienne pas ! 

Voilà le temps des Nowakowskismes est terminé pour ce soir, et, c’est avec un petit tour du côté de Nanao Sakaki, né en 1923 et mort en 2008, marcheur impénitent, fondateur à Tokyo de l’Académie des Clochards, qui a été secrétaire, sculpteur, agitateur, factotum et poète 
L’académie des Clochards était un groupe de personnes qui se réunissaient pour déambuler dans les rues de Tokyo ou pour parcourir le pays. Nanao Sakaki montra l’exemple et se passa totalement d’argent, laissa ses amis l’entretenir sans rien attendre en retour. Pendant des années, il a sillonné le pays, vivant le plus souvent dans les montagnes… « Je ne suis pas un professionnel ni un scientifique… mais je sais par ma peau, par mes jambes, ce qui se passe. Ce n’est pas seulement mon village, mais tout le Japon qui est en train de mourir. Il y a juste une petite flamme quelque part ‒ nous devons cultiver, nous devons pêcher et en même temps nous devons faire de la poésie, de la musique, de l’art, du ménage et du tissage. Tout cela va de pair ».
Et ce soir ces quelques vers me paraissent opportuns :
« Tu as froid ?
Tu as faim ?
Tu as soif d’amour ?
Tu es fatigué de l’école ?
Tu n’aimes pas ton travail ?
Tu es à court d’argent ?
Tu n’as rien à faire,
Si c’est le cas, fais un tour à pied ! ». 

Sources et inspirations 
La Tech. Quand le Silicon Valley refait le monde. Olivier Alexandre. Seuil. 2023
The Tech Coup. How to save Democracy from Silicon Valley. Mariejte Schaake. Princeton University Press. 2024
Human Extinction. A history of the Science and Ethics of Annihilation. Emile P. Torres. Routledege. 2024
Télérama n°3899
https://www.claremont.org
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-zoom-de-france-inter/le-zoom-de-france-inter-du-vendredi-11-octobre-2024-1435521
https://reporterre.net/La-BNP-Paribas-epinglee-pour-son-role-dans-la-deforestation-en-Amazonie
https://www.novethic.fr/environnement/transition-energetique/bp-totalenergies-shell-retour-vers-les-fossiles
https://reporterre.net/Prison-et-faux-proces-avant-la-COP29-l-Azerbaidjan-fait-taire-ses-ecologistes 
https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/rapport-planete-vivante-2024-73-des-populations-de-vertebres-sauvages-ont-decline-depuis-1970
Les Univers multiples (1, 2 et 3), Stephen Baxter
Nanao Sakaki, Comment vivre sur la planète terre (traduction de l’anglais (E.U) de Danièle Faugeras), œuvre complète illustrée par Johannes Strugalla, coll. poe&psy, éditions Érès, 2024
Nanao Sakaki, Aller léger (traduction de l’anglais par Jérôme Dumont, préface de Gary Snyder), éditions Héros-Limite, 2024

Podcast – https://hearthis.at/radio-campus-lorraine-mu/nowakowskismes-9.3-siliconvalley-connection/

Musiques 
Dominique A, L’humanité – https://youtu.be/TGc7FQFhO9c?feature=shared 
La Canaille, Arrêtez le train – https://youtu.be/yH11Z_LIrgY?feature=shared 
Jimi Hendrix, Stone Free – https://youtu.be/66COu2TpcyQ?feature=shared 

Sortir le monde de la pauvreté et assurer une vie digne pour tous, tout en respectant les limites planétaires, serait-ce possible ! 
La façon d’y arriver ne plaira pas à tout le monde, en tout cas certainement pas aux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, dont la France fait partie. Une étude du Guardian et publiée par la Commission de la Terre dans la revue Lancet Planetary Health, cherche à définir cet « espace sûr et juste ». Cet espace sûr et juste représente les conditions permettant à tous les humains de prospérer sans déstabiliser la planète et dans le respect du vivant.
Ont ainsi été calculées les ressources minimales que chaque être humain devrait consommer pour accéder aux besoins de base à savoir nourriture, eau, énergie, logement, transports, tout en prenant en compte les limites planétaires liées au changement climatique, à l’érosion massive de la biodiversité, le changement destructeur d’usage des sols, l’acidification accélérée des océans… D’ailleurs, sept de ces limites ont déjà été dépassées ce qui met gravement en danger l’habitabilité de la planète et la survie de l’humanité, mais tout cela c’est dans un silence assourdissant !
Le rapport indique que la consommation moyenne par personne dans le monde a dangereusement augmenté depuis 1970. La consommation énergétique a augmenté d’environ 35 %, et la consommation alimentaire d’environ 25 %. Les pays et les individus riches consomment de manière disproportionnée et irresponsable car les politiques mises en oeuvre, l’égoïsme, les normes sociales, les médias et la publicité toujours plus agressifs et envahissants encouragent la consommation, car, vous l’avez certainement entendu, réussir sa vie c’est posséder de grandes maisons, rouler dans des grosses voitures, se gaver de « vide à la demande » et multiplier les voyages en avion ou les croisières de masse.
En fait, limiter les possibilités pour certains permettrait d’ouvrir des possibilités pour d’autres. Rappelons qu’à l’heure actuelle, des millions de personnes n’ont même pas accès aux besoins de base. En France, ce pays qui se dit le pays des droits de l’homme, plus de 50% des étudiants ont moins de 100 euros de reste à vivre. D’après la dernière enquête de l’UNEF, la situation devient de plus en plus critique. En 2024, le coût de la vie a encore augmenté de 2,25 %, portant la hausse annuelle à 482,16 euros supplémentaires par étudiant. À Metz, le coût de la vie étudiante a augmenté de 4,96% et de 2,31% à Nancy ! Et n’oublions pas que 8 millions de Français, hommes, femmes et enfants, ne mangent pas à leur faim !
Les travaux ont établi des normes de consommations définies par personne pour les besoins de base hors éducation et soins de santé. Donc, un humain normalement constitué devrait consommer 2500 calories par jour, 100 litres d’eau par jour, 255 kilowattheures par an (ce qui suppose une disponibilité de l’électricité pendant un minimum de 16 heures par jour, dont 4 h par soir, incluant l’utilisation d’appareils à forte puissance comme les machines à laver), habiter une surface habitable de 15 m² par personne et parcourir 4500 kilomètres par an. Juste pour information, en moyenne, un Français consomme 3500 calories et 150 litres d’eau par jour, 2550 kilowattheures par an, vit dans 39 m² et parcourt 20800 kilomètres.
Rappelons à ce gouvernement illégitime, libéral, anti-écologique, aux ordres du capitalisme du destructeur… que, pour rendre ce changement souhaitable, les recherches montrent que « la consommation par habitant est souvent plus faible dans les systèmes qui donnent la priorité aux services publics, à l’égalité des revenus, à la démocratie et à la santé publique » et que surtout toujours ne jamais oublier que plus de consommation est loin d’être synonyme de toujours plus de bien-être ! Pour reprendre le titre de l’article de Novethic, couper Netflix et arrêter d’aller sur l’Everest, c’est la recette pour vivre sur une planète sûre et juste !

Bienvenue dans les Nowakowskismes, sur cette Terre, le seul endroit dans l’univers connu où la vie est possible, la 3e planète du Système Solaire accroché au Bras d’Orion au coeur de la Voie lactée partie du Groupe Local qu’on nomme ici Laniakea signifiant « paradis incommensurable » ou « horizon céleste immense » en hawaïen, Laniakea, ce superamas de galaxies englobant le superamas de la Vierge, dont fait partie la Voie lactée, et donc la Terre.
Bienvenue dans les Nowakowskismes, cette zone de haute densité de lutte.
Bienvenue dans les Nowakowskismes, le rendez-vous de la liberté, de la pensée, de la vie digne, les Nowakowskismes qui rappellent sans cesse qu’il faut mobiliser ce qui nous lie, ce qui nous tient ; les Nowakowskismes qui rappellent sans cesse que c’est notre humanité retrouvée qui nous sauvera tout entier.. 

Cette semaine, alors que nous entrons dans l’automne, les Nowakowskismes font un dernier petit retour dans l’été qui vient de s’achever et empruntent leur titre à un vieux film sorti en 1951, Le jour où la Terre s’arrêta. Au coeur de l’été, tout a commencé par un simple avertissement. Dans la nuit du 18 au 19 juillet 2024, la société CrowdStrike a émis une alerte indiquant que plusieurs de ses clients aux États-Unis n’avaient plus accès à leur ordinateur et à leur système informatique, ayant un simple écran bleu devant eux, le plantage classique de Microsoft. L’interconnexion des systèmes, les transmissions par le cloud de Microsoft, un des premiers au monde, ont transformé cette erreur de logiciel en une panne d’une ampleur jamais vue jusqu’alors. Les Nowakowskismes vont donc revenir sur l’emprise de Microsoft et des autres aussi sur l’économie mondiale, leur emprise sur nos vies quotidiennes, notre dépendance et notre fragilité face à des géants privés non contrôlés.

Donc, souvenez-vous, le 19 juillet 2024, une panne informatique mondiale touche huit millions et demi d’ordinateurs. Ce 19 juillet, au fur et à mesure que le monde se réveillait, les perturbations prirent une dimension digne d’un scénario de science-fiction. En Australie, un chaos gigantesque s’installa dans les aéroports de Sydney et de Melbourne, les systèmes de vol et de réservation étant bloqués et de nombreux vols ayant dû être différés ou annulés. Puis ce furent les aéroports de Nouvelle-Zélande, d’Inde, de Singapour ou de Nairobi (Kenya) qui déclarèrent être confrontés à des pannes similaires, de nombreuses compagnies aériennes commencèrent à annuler les vols. Quelques heures plus tard, des aéroports européens se trouvèrent confrontés à la même situation, Berlin, Prague, Amsterdam, Rotterdam, Zurich, Budapest… la liste des aéroports perturbés ne cessait pas de s’allonger. Ce n’est pas tout,  les chemins de fer, notamment en Grande-Bretagne, et aussi les ports dont ceux de Rotterdam et Gdańsk qui alertèrent car incapables de faire fonctionner leurs terminaux, la panne concernant leurs services centraux mais aussi des milliers de prestataires.
L’heure tournant, ce furent les services de métro et de train de la côte est des États-Unis qui se retrouvèrent à leur tour incapables de fonctionner normalement. 
Les banques et les assurances furent aussi rapidement affectées. Certains systèmes de paiement et d’accès aux comptes en Israël ou en Afrique du Sud furent suspendus. Certaines banques centrales, comme la Banque de Norvège, eurent recours aux mails pour mener à bien des opérations courantes. La Bourse de Londres dut suspendre certaines cotations, faute de système informatique.
Les réseaux de distribution d’électricité furent aussi en partie perturbés. Le National Health Service, le service public de santé britannique, des opérateurs téléphoniques dirent travailler en mode dégradé, n’ayant plus de système informatique. Plusieurs chaînes de télévision dépendant du cloud de Microsoft, comme TF1 et Canal+, rencontrèrent des problèmes pour émettre. À Londres, Sky News fut même dans l’impossibilité de diffuser ses émissions du matin.
Le 19 juillet 2024, dans le monde entier, des avions furent cloués au sol, des écoles, des commerces, des usines, des services publics et des journaux télévisés furent empêchés de fonctionner normalement. Et quel était le point commun : un système d’exploitation, Microsoft Windows, qui venait de mettre à jour un logiciel de sécurité développé par une entreprise tierce, Crowdstrike. 
Pourquoi ? Parce que des pans entiers de notre monde sont dépendants de Microsoft. Microsoft, ce mastodonte et son pouvoir considérable sur le marché, dominant les infrastructures d’informatique du Cloud à travers l’Europe et les États-Unis. Ce jour-là, ce ne sont pas seulement les ordinateurs qui ont été affectés, mais les serveurs, et une multitude d’autres services. 
Et bizarrement, quelques semaines plus tard, malgré un coût économique astronomique – entre un et cinq milliards de dollars, selon certaines estimations discrètes bien sûr – l’événement était quasiment oublié.
Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer des secteurs économiques sans infrastructure informatique. Toute cette infrastructure mondiale est gérée par quatre ou cinq grandes entreprises qui monopolisent les services et les dispositifs informatiques. Leur omniprésence ne les rend pas seulement indispensables, mais signifie également que leurs vulnérabilités sont contagieuses. De plus, cette concentration offre les moyens de restructurer les marchés pour que les monopoles aient les moyens d’éjecter les entreprises qui pourraient les menacer. 
Ainsi, le cloud, c’est Microsoft et Amazon. La publicité en ligne, c’est Google et Meta. La recherche, c’est Google. Le commerce en ligne, Amazon. Le PC, Microsoft. Les applis mobiles, c’est Apple, qui extorque une taxe exorbitante de 30 % à tous les développeurs… excepté pour quelques privilégiés. Et bien sûr le petit nouveau, pas si nouveau que cela, Nvidia, qui s’est accaparé le marché des processeurs graphiques indispensables au déploiement de l’IA.
Et ça donne quoi ? Bulle après bulle, milliard après milliard, le cartel de la Tech confisque la possibilité de penser l’avenir en mobilisant toutes ses forces pour que nous n’ayons pas d’alternative à leur nullité, à ce système prédateur et destructeur. 
Pourquoi ? 
Parce que, le sujet ce n’est pas le nombre d’ordinateurs mais la quantité d’entre eux fonctionnant avec autant de logiciels identiques et aussi automatisés que possible afin de faire baisser les coûts. Nous assistons à la première défaillance d’une grande série de défaillances systémiques à venir, des petites, d’autres plus grandes et plus destructrices. Ces défaillances ne sont que la conséquence naturelle d’un écosystème construit sur la croissance à tout prix, un système dans lequel tout effort d’économie en sous-traitant des systèmes majeurs doit être entrepris afin de satisfaire les actionnaires.
« Personne n’est une île » écrivait le poète anglais du XVIe siècle, John Donne, chef de file de ce qu’on a appelé la poésie métaphysique. « Personne n’est une île » s’applique particulièrement bien quand on parle de technologie parce que, lorsqu’on se donne d’ouvrir le capot des outils qui peuplent nos quotidiens, tous ces systèmes qui ont l’air indépendants sont en fait très, très lourdement dépendants de services et de logiciels fournis par un petit nombre d’entreprises dont certaines ne brillent pas par leur qualités. 
À la constitution de ces monopoles fondée sur des cascades de sous-traitance s’ajoute la fermeture des systèmes. Apple qui, comme tous les mois de septembre occupe les médias, est emblématique de cette attitude. Apple  franchise le droit de réparer ses appareils et n’hésite pas à attaquer des petits réparateurs en justice lorsqu’ils ne passent pas par des fournisseurs officiels.
Les logiciels Apple ne sont pas vendus mais imposent une licence d’utilisation sans droit de propriété. Ce qui est terrible, c’est que cette tendance s’accélère. Début juin 2024, Adobe, maison mère des logiciels bien connus de PAO et de montage, faisait face à un scandale car ses utilisateurs l’accusaient de vouloir s’approprier leur travail afin d’entraîner son IA. Adobe qui a depuis expliqué que ce n’était pas le cas, confirme cependant qu’elle se « réserve le droit (mais n’a pas l’obligation) de supprimer du contenu ou de restreindre l’accès au contenu, aux services et aux logiciels » en cas de manquement aux conditions générales d’utilisation. Je ne sais pas s’il est nécessaire de le rappeler mais de telles conditions d’utilisation impliquent de pouvoir accéder aux contenus produits par les utilisateurs. 
Toute cette tendance s’est généralisée avec le passage systématique au « cloud ». En clair, les utilisateurs de ces logiciels sont invités plus ou moins librement (vous admirez ce délicieux euphémisme digne du film La parrain – une offre que vous ne pourrez pas refuser !), donc les utilisateurs sont invités plus ou moins librement à enregistrer toutes leurs données sur des serveurs à distance plutôt que sur leurs disques durs, données qui sont ensuite surveillées, et dans certains cas, verrouillées à distance. 
En réalité, depuis quelques années, l’expansion des logiciels propriétaires a changé de nature. Aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement de contrôler les usages, mais de connaître, voire de récupérer les contenus et les données qui sont produits avec eux. En clair, es utilisateurs de Microsoft ou d’Apple, et de tous les autres se voient expropriés de leurs données qui peuvent leur être interdites d’accès à tout moment.
Le monopole, une monoculture de logiciels au service d’un système structuré pour maximiser les profits, …. Les ingrédients qu’on retrouve dans toute monoculture, comme dans les écosystèmes biologiques où la monoculture extensive d’une seule espèce de plante sur un territoire donné répond aux mêmes intentions. 
En informatique, monoculture signifie l’usage répandu d’une seule plateforme logicielle ou d’une seule technologie à travers de nombreux systèmes et dispositifs. Comme dans le vivant, cette uniformité peut accroître les risques et les vulnérabilités, car l’exploitation d’une seule faille ou un seul type d’agression peut compromettre gravement les systèmes infectés tout comme la prolifération de maladies, de parasites, de champignons dans les monocultures.
En France, on peut s’interroger sur la pertinence du choix de Microsoft dans les administrations publiques, dans les universités, nous rendant ainsi vulnérables à à des pannes sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle, et nous mettant ainsi sous tutelle de ces prédateurs.
Démanteler ces grands groupes ne changera rien si on ne s’attaque pas frontalement à cette logique de fermeture. Sans rupture nette avec ce système, il  continuera de refermer ses serres sur les individus et les organisations.
On a espéré que les acteurs du numérique non lucratif, dit « logiciel libre », dont l’un des principes est l’autonomie et le libre partage des connaissances, serait une alternative viable. Mais le logiciel libre a non seulement échoué à contrebalancer les monopoles numériques, mais ses contributions ont systématiquement été instrumentalisées par Microsoft, Meta, Apple ou Google.
Pourquoi les licences copyleft comme la GPL n’ont-elles pas protégé le monde « libre » des attaques des GAFAM ? Déjà, parce que Google les a récupérées, avant de les torpiller. Machiavélique Google a construit sa domination en faisant de Linux le socle des téléphones Android. Or la licence publique obligeait Google à publier le code source des modifications qu’il apportait à ce logiciel libre. Du moins jusqu’à ce que Google développe son propre système d’exploitation, Fuchsia, et lui associe une licence non copyleft ». Paf !
Le but de la technologie capitaliste est non seulement de développer la production pour le profit mais aussi de se subordonner et de dominer les producteurs. On assiste donc à un processus de sélection des techniques où seules sont retenues et effectivement appliquées celles qui permettent au capital de mieux lutter contre le travail, autrement dit celles qui permettent de maintenir et de renforcer la domination de l’appareil de direction sur le travailleur. Ces techniques correspondent au besoin fondamental du capitalisme d’avoir affaire à un travail mesurable, contrôlable, remplaçable.
C’est donc un autre modèle économique et social qu’il faut inventer, bien au-delà des alternatives techniques dites « libres » et d’une réorganisation du marché. Il faudrait nous concentrer sur l’élaboration d’une politique technologique socialiste post-IA. Enfin, plutôt que d’essayer d’humaniser les produits existants en leur imaginant des applications de gauche ou en inventant de nouveaux modèles de propriété économique, nous devrions ouvrir à tous, sans considération de classe, d’ethnicité ni de genre, l’accès à des institutions, infrastructures et technologies qui favorisent l’autonomie créatrice et permettent de réaliser pleinement ses capacités.
Nous pourrions imaginer un renversement de l’organisation marchande. Par exemple, là où Amazon dirige la consommation à partir de suggestions d’achat fondées sur la collecte de données personnelles, nous pourrions concevoir des systèmes se servant des relations préexistantes, les utilisateurs se connaissant déjà se partageraient des recommandations afin d’acheter en groupe et donc obtenir des rabais. La condition initiale de ce retournement est sortir de la logique du profit des plateformes. Pour cela, la lutte contre les monopoles devrait se concentrer sur l’indépendance des utilisateurs et des consommateurs afin de permettre l’émergence d’un pouvoir au-delà de la conception des produits, jusqu’au processus de production lui-même et à son financement jusqu’à jeter à bas le fétichisme de la marchandise et de la consommation de masse. 
Voilà ce qui arrive lorsque les États laissent prospérer ces géants de l’informatique et du numérique sans leur imposer la moindre règle, le moindre principe de sécurité, persuadés que le privé saurait répondre à tout. Cette panne géante a une nouvelle fois mis en lumière l’immense fragilité de nos économies interconnectées, dépendantes d’un système privé ultracentralisé, sans aucune autonomie. Là ce fut un problème informatique, mais imaginons les conséquences de cyberattaques bien orchestrées.
Lors de la pandémie du covid-19, les économies occidentales avaient découvert leur extrême fragilité et leur dépendance face aux chaînes d’approvisionnements mondialisées, perturbées pendant de nombreux mois. À l’époque, les responsables politiques et dirigeants de grands groupes avaient promis de remédier à ces risques, de changer de comportement, de rendre le système « plus résilient », selon l’expression convenue.
Depuis, comme d’habitude, rien a été fait. Quelques semaines plus tard, malgré un coût économique astronomique, on passa à la suite, le monde retrouva sa logique, ses règles, et les grands groupes et les états complices n’estimèrent pas utile d’investir dans des mesures de précaution qui furent considérées comme trop chères alors que tout allait à nouveau très bien, tout était revenu à la normale, ils pouvaient continuer à piller le monde. 

Voilà le temps des Nowakowskismes est terminé pour ce soir, et, c’est avec un petit tour du côté de l’école et ces quelques mots de Raoul Vaneigem dans son Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations écrit en 1967.  
« Que reste-t-il d’étincelle humaine, c’est-à-dire de créativité possible, chez un être tiré du sommeil à six heures chaque matin, cahoté dans les trains de banlieue, assourdi par les fracas des machines, lessivé, bué par les cadences, les gestes privés de sens, le contrôle statique, et rejeté vers la fin du jour dans les halls de gare, cathédrales de départ pour l’enfer des semaines et l’infime paradis des week-ends, où la foule communie dans la fatigue et l’abrutissement ? (…) De la force vive déchiquetée brutalement à la déchirure béante de la vieillesse, la vie craque de partout sous les coups du travail forcé. ». 

Sources et inspirations https://www.novethic.fr/environnement/climat/couper-netflix-et-arreter-daller-sur-leverest-la-recette-pour-vivre-sur-une-planete-sure-et-juste
https://factuel.univ-lorraine.fr/node/27525
https://www-mediapart-fr/journal/international/190724/panne-informatique-le-revers-de-l-emprise-mondiale-de-microsoft

Podcast – https://hearthis.at/radio-campus-lorraine-mu/nowakowskismes-9.2-le-jour-ou-la-terre-sarreta/RKS/ 

Musiques 
Wallace Collection, Daydream – https://youtu.be/_wFMY0r7X-w?feature=shared 
Justin Johnson, Blackwood Lullaby – https://youtu.be/RC58eXL-MJY?feature=shared 
Kelly Joe Phelps, Tommy – https://youtu.be/Jn3InPDLIqk?feature=shared 

Températures en Juin 2024

Bonsoir à tous et à toutes – c’est évidemment avec un immense plaisir que je vous retrouve pour la neuvième saison des Nowakowskismes sur Radiocampus Lorraine. 
Nous nous sommes quittés en juin dernier après une longue saison 8, bien remplie de tout ce que le monde nous a donnés à voir et à vivre, pour le meilleur et trop souvent pour le pire. 
Nous nous retrouvons donc en ce mois de septembre, toujours dans des temps incertains et fortement bousculés, dans un monde meurtri comme jamais, mais nous sommes toujours déterminés. 
Les Nowakowskismes sont toujours le rendez-vous de la liberté, de la pensée, de la vie digne. Ils ne cessent de rappeler qu’il faut mobiliser ce qui nous lie, ce qui nous tient et que c’est notre humanité retrouvée qui nous sauvera tout entiers. 
Une neuvième saison, avec une nouvelle musique de lancement que nous devons à un groupe indispensable à la vie bonne, King Crimson, et le morceau parfaitement adapté à notre monde « 21st Century Schizoïd Man ». 
En ce début d’année universitaire 2024-2025, après cet été qui est le plus chaud jamais mesuré, quelles sont les expériences qui nous attendent ? Quelles sont les épreuves qui surgiront de l’incertain de ces temps et que nous devrons surmonter ? Quels sont les temps d’espoir qui rechargeront les énergies indispensables au bonheur et aux luttes ? Ce qui sûr c’est que ce sont les questions auxquelles nous tenterons d’éclairer et de répondre tout au long de cette neuvième saison. 
Cette année, les Nowakowskismes seront encore toujours au rendez-vous toutes les deux semaines. Cette année, comme l’année dernière, avec deux diffusions, le vendredi à 17h et le dimanche à 18h30, et bien sûr toujours disponible en podcast sur le site de radio campus lorraine et sur mon blog.
Federico Fellini écrivait au siècle dernier, que « Le fascisme naît toujours d’un esprit provincial, d’un manque de connaissance des vrais problèmes et du rejet des gens, que ce soit par paresse, préjugés, cupidité ou ignorance, pour donner un sens plus profond à leur vie. Pire encore, ils se vantent de leur ignorance et cherchent le succès pour eux-mêmes ou pour leur groupe à travers une présomption, des affirmations sans fondement et une fausse démonstration de bonnes qualités, plutôt que de faire appel à la véritable capacité, à l’expérience ou à la réflexion culturelle. Le fascisme ne peut être combattu si nous ne reconnaissons pas qu’il est simplement le côté stupide, pathétique et frustré de nous-mêmes dont nous devons avoir honte ». 
Et bien vous l’avez compris, et si vous suivez les Nowakowskismes depuis plusieurs saisons, vous vous en douterez, les Nowakowskismes ne baisseront jamais les bras face à toutes les formes de fascisme qui ne cessent de surgir dans ce monde, ici et partout dans le monde.
Donc, bienvenue dans les Nowakowskismes, sur cette Terre, le seul endroit dans l’univers connu où la vie est possible, la 3e planète du Système Solaire accroché au Bras d’Orion au coeur de la Voie lactée partie du Groupe Local qu’on nomme ici Laniakea signifiant « paradis incommensurable » ou « horizon céleste immense » en hawaïen, Laniakea, ce superamas de galaxies englobant le superamas de la Vierge, dont fait partie la Voie lactée, et donc la Terre.
Alors êtes-vous prêts pour un premier épisode mosaïque, fruit de mes errances, colères et réflexions estivales, de tout ce que j’ai glané durant ces semaines d’été ? Serez-vous encore plus nombreux cette année à me suivre sur ces chemins de ce monde ? Nous verrons.
C’est donc parti pour les premiers Nowakowskismes de l’année 2024-2025. 

Commençons par quelques réflexions, quelques idées, quelques pistes qui détermineront les orientations des Nowakowskismes tout au long de cette nouvelle année, et, malheureusement, c’est encore avec le bon vieux Orwell qu’on se lance dans l’année dans la si médiatiquement louée ferveur française pour cette aberration qui a occupé tout l’espace de l’été. 
« Les gens sautaient sur place et criaient de toutes leurs forces (…) Naturellement, il chantait avec les autres. Il était impossible de faire autrement ». En effet, on raconte que sous le Stalinisme, à la fin des discours du chef, les applaudissements duraient à n’en plus finir, chacun ayant peur d’être repéré comme dissident potentiel, promis au goulag ou pire, s’il cessait d’applaudir avant les autres. Dans l’Allemagne nazie, le promptitude à faire le salut hitlérien pouvait causer de graves ennuis. Dans notre petit pays encore loin de tout totalitarisme c’est bien plus subtilement que se sont manifestés l’« étouffement délibéré de la conscience » et la soumission décrits par Orwell. 
Cet été, traversé par une propagande médiatique généralisée, les foules se sont déchainées dans d’hystériques ovations applaudissant les shows de cette gigantesque mascarade charlatanesque, sans aucune contrainte, de leur propre élan, « libres », bien sûr entre guillemets. En réalité, c’est que, sans les forcer, tout un système politico-médiatique a su habilement et fermement les y mener, leur faire désirer d’être, avec une stupéfiante avidité, les clients des modernes jeux du cirque vissés au flux continu des médias ou parqués dans ces « fan-zones » quadrillées par les milices « sécuritaires », où les caméras remplacent les miradors, et où ils ne peuvent qu’hurler névrotiquement leur adulation des gladiateurs du « sport » réduits à n’être que de compétition, de performances, dans le culte médiatique et politique du super-héros.
Tout un système massivement approuvé et imposé à grands renforts de tous les médias – exceptés quelques-uns qui furent très rapidement étouffés – a contribué à la systémique réduction des personnes à ce rôle de consommateurs vivant par procuration tout en se gavant de ces marchandises que sont les exploits sportifs tapageusement mis en scène et bien sûr abreuvés des sodas contenus dans des millions de bouteilles en plastique. Tout un système qui n’est qu’un jeu de dupes dans lequel la contemplation béate de performances (aussi admirables soient-elles) dans lequel les consommateurs ont abdiqué leur capacité à faire eux mêmes quelque chose de plaisant, d’exaltant, d’épanouissant, y compris en jouant avec une balle, une raquette, une raquette de ping-pong, … des consommateurs gavés de flux médiatiques, d’écrans, de réseaux sociaux, d’injonctions à « être de la fête » ! 
La fête, martèlent-ils ! Ce qui interroge vraiment c’est la hargne avec laquelle toute cette masse, d’une seule voix, cherche à faire admettre par tous les moyens qu’ils ont vécu un « grand moment » renonçant là à tout ce qui pourrait faire d’eux des individus ayant des qualités propres, une réelle personnalité et un semblant d’esprit critique. Lâchement, comme toujours, ils se sont « contentés » de n’être que des acheteurs de « produits », des porteurs d’étiquettes.
Sourds et aveugles à l’histoire, toute cette foule s’est ainsi comportée exactement comme le désirent tous ces « Nérons » fabriquant ces « fêtes » dont la fonction de soupape permet d’éviter l’explosion de la marmite sociale. Cette foule eut ainsi l’occasion de se défouler en étant inoffensive pour le système. Frétillant sur les gradins et devant les écrans géants des appartements-cellules connectés alimentée par une armée de travailleurs exploités par les plateformes de livraison de repas, la foule abandonna ses griefs aux vestiaires et laissa les empereurs serviteurs du capitalisme continuer en toute impunité leur jeu prédateur de l’humanité et du vivant. 
De plus, toute cette soi-disant « communion » fut, pour tous ces serviteurs du capitalisme, un autre moyen formidable de conditionner et d’orienter les « cerveaux disponibles » vers la panoplie de colifichets soutenant leur pouvoir, dans un déballage nauséeux de nation, de drapeau, d’hymnes fait de musique d’ascenseur, le tout délayé dans une grand messe « républicaine » rendant propre sur elle une xénophobie qui trouvera facilement ensuite des occasions de s’exprimer moins aimablement. Les gardiens de la docilité du spectateur peuvent ainsi dormir tranquilles parce que ces foules ainsi conditionnées et anesthésiées ne feront pas l’effort de recherche permettant de dénoncer les ravages causés par cet Olympisme, pour ne pas se « prendre la tête ». L’obligation d’enthousiasme s’imposa à tous et la répression traqua tout ceux qui refusèrent de communier. 
Comment se fait-il que tant, même parmi les ami.es, se sont laissés prendre au piège de tout cela et de ces cérémonies tape-à-l’oeil ? Que s’est-il passé le 26 juillet, et après, à la clôture et après encore jusqu’au 14 septembre ? En fait, ces cérémonies ont consisté en la mise en oeuvre d’une fantasmagorie d’une incroyable efficacité. Pour Walter Benjamin, la fantasmagorie désigne la production par une société d’une certaine représentation d’elle-même qui tend à effacer ce qu’elle est vraiment, notamment une entité productrice de marchandises. Tout ceci, toute cette mascarade ne visait qu’à installer une fantasmagorie historique fabriquée pour contribuer à construire un pseudo-récit national faisant de la France non pas un pays parmi d’autres, reconduisant parmi d’autres une kyrielle de dominations économiques, politiques, sociales, culturelles, mais une contrée unique, révolutionnaire et progressiste, amie des arts, des lettres et des sciences, défenseure de la liberté, de l’égalité et de la fraternité entre tous. Tout simplement à vomir !
Ces cérémonies sans cesse relayées et affublées de tous les superlatifs de la joie et du bonheur imposés, flattèrent l’orgueil des Français, qui purent ainsi se complaire dans la certitude fabriquée de faire partie d’un peuple à l’avant-garde de la modernité politique, prêt à en découdre au nom de la liberté et de la justice. Or, pendant ce temps, et pour ne citer que quelques-uns des nombreux dénis de démocratie auxquels nous a habitués la Ve République et la présidence Macron en particulier, une dissolution de l’Assemblée peut être décidée sur un coup de tête, et la nomination d’un nouveau 1er ministre dans la négation et le mépris du résultats des votes peut prendre des semaines. La complaisance dans une vision de soi fallacieusement révolutionnaire conduit du même coup à nier les contestations réelles, et à effacer le potentiel réellement révolutionnaire de ces dernières années. À la soi-disant si subversive cérémonie d’ouverture des JO, où ont été relégués les véritables révolutionnaires d’aujourd’hui ? Où sont les gilets jaunes ? Où sont les écolos saboteurs qui se battent contre les désastres de la construction d’une autoroute inutile et destructrice du vivant ? Où sont les millions de travailleurs dans les rues contre la réforme des retraites ? Où sont les citoyens qui ne mangent pas à leur faim ? Et la santé, l’école, … en ruines ? Où sont les jeunes qui mettent le feu aux quartiers populaires après l’assassinat de l’un des leurs ? 
En cantonnant la révolution à un passé flou et glamourisé, tout ce spectacle orchestré par tout ce système prédateur mettant tous les moyens pour imposer leur récit de l’histoire, en fait une chose révolue, une chose morte. Imaginez juste l’effroi de Louise Michel si elle apprenait qu’une statue à son effigie a été érigée à cette occasion, contribuant ainsi à effacer les combats qu’elle a rejoints, et qui sont toujours d’une brûlante actualité, les combats pour l’anti-autoritarisme, pour le féminisme, pour l’instruction pour tous et toutes, pour l’anti-colonialisme aux côtés du peuple kanak, …et j’en passe ! Tout ceci ne fut conçu que pour servir une stratégie de récupération, de dévoiement et de destruction de tout ce qui fait sens, fidèle aux pratiques de ce président et de ses sbires. 
Voilà, ce à quoi nous avons été soumis, à toute une mécanique au service d’un récit national mensonger, prélude à un spectacle de plusieurs semaines plaçant, au cœur de la mise en scène de corps en mouvement, encore et toujours la promotion de la compétition et de la quête du record, servir le toujours plus vite, le toujours plus fort, le toujours plus, … le tout martelé à longueur de journées dans les médias au service de cette propagande. 
Voilà un récit mensonger bien huilé visant à nous faire croire que la contestation est une spécificité française, qui a conduit à un ordre politique et social dont nous pouvons nous satisfaire, et surtout un ordre bien garanti par le déploiement des bien nommées forces de l’ordre assistées de tous ces systèmes de vidéo surveillance algorithmique. Or, il faudrait surtout nous rappeler, qu’au contraire, la majorité d’entre nous, en dépit des multiples révoltes et insurrections qui ont émaillé les deux derniers siècles, est toujours dominée, exploitée, asservie, ….
Donc, chers et chères lecteur.ices et audteur.ices des Nowakowskismes, il est important ici de rappeler qu’aimer toute cette mascarade et tout le reste est un signe d’aveuglement. Aimer tout cela, cérémonies et déballage de ferveur fabriquée, c’est comme aimer le sourire d’un maître qui humilie. Aimer tout cela, c’est ne pas voir ce qui est, c’est-à-dire ce que ça cache, par exemple, et sans pouvoir être d’exhaustif : l’expulsion de 13000 personnes hors de leurs lieux d’habitation (squats, bidonvilles, immeubles) ; l’exploitation des travailleurs, en particulier sans-papiers, par des entreprises et un système qui ne s’encombrent pas du Code du travail ; des constructions non-écologiques dans des villes populaires, à destination de futurs habitants gentrificateurs ; une présence policière démultipliée ; de la surveillance algorithmique généralisée veillant à ce que la population se tienne sage ; l’augmentation au moins temporaire du coût de la vie, et notamment celui des transports franciliens ; et j’en oublie. Or les écoles du 9 3 et dans toute la France sont toujours vétustes et en manque d’enseignants, des milliers d’enfants porteurs d’un handicap ne trouveront pas de place dans les écoles, se déplacer quand on est une personne à mobilité réduite reste toujours un problème, que rien n’est fait pour changer le modèle prédateur et destructeur de la vie, … mais tout va bien c’est la fête, la France a réussi, la France est ce beau pays décrit dans Emily in Paris, série débile adoubée par le pouvoir, le tout baignant dans cette catastrophe qui fait que tout continue toujours comme avant. 
Orwell, toujours lui, écrivait « Le football, la bière et surtout le jeu remplissaient l’horizon de leurs esprits. Les garder sous contrôle n’était pas difficile ». Au football, à la bière et au jeu, on peut rajouter les réseaux sociaux, les programmes de télé débiles et les séries, dans ce qu’on appelle le « Vide à la demande » de tout un système médiatique issu et au service du capitalisme numérique. D’ailleurs, les séries déversées comme autant de produits de grande consommation aliénant et standardisant les comportements, sont le parfait outil de l’aliénation contemporaine, la meilleure arme de l’économie numérique pour tenir l’humanité en laisse. Dans les publicités déversées par les médias complaisants, manquer sa série est une catastrophe, dans la rue, les zombies connectés évoluent en regardant des séries, … les étudiants attendent la pause pour s’y plonger… un monde où des milliards d’individus sont anesthésiés par des produits pléthoriques standardisés qui brossent dans le sens du poil, formatent les comportements en délivrant massivement le mensonge qu’on s’évade et qu’on se cultive en consommant !
Pas vraiment rassurant ni joyeux tout cela j’en conviens, au démarrage de cette nouvelle saison, et de cette nouvelle année universitaire. Que nous réservera-t-elle je ne sais pas, mais malheureusement, l’état du monde, de la société, …. ne laisse augurer rien de bon mais nous continuerons sans relâche à dénoncer et à tenter de construire un récit porteur d’espoir, de lutte et de joie. « Nous sommes une armée de rêveurs, nous sommes invincibles » clamait un combattant de la liberté luttant dans le Chiapas, parce que « contre la destruction du monde il n’y a qu’une seule défense : l’acte créateur ».

Voilà le temps des Nowakowskismes et leur premier voyage de cette saison 9 est terminé pour ce soir, et, c’est avec Catherine Ribeiro morte cet été que nous nous arrêtons ce soir. Catherine Ribeiro était chanteuse, anarchiste, actrice et a été de nombreuses luttes de la seconde moitié du XXe siècle.  
« Paix à vous mes amis, dont la tendresse m’est une nécessité
Paix et respect de la vie de chacun
Paix à la fascination du feu, paix au lever du jour
A la tombée de la nuit
Paix à celui qui marche sur les routes
Jusqu’aux horizons sans fin
Paix au cheval de labour
Paix aux âmes mal-nées qui enfantent des cauchemars
Paix aux rivières, aux mers, aux océans qui accouchent
De poissons luisants de gas-oil
Paix à toi ma mère, dont le sourire douloureux
S’efface auprès de tes enfants
Paix enfin à celui qui n’est plus et qui toute sa vie
A trimé attendant des jours meilleurs
Paix, paix… ». 

Références et sources et inspirations 

https://lundi.am/Une-fantasmagorie-francaise 
https://lundi.am/Tenus-en-liesse 
Télérama, n°3896

Podcast – https://hearthis.at/radio-campus-lorraine-mu/nowakowskismes-9.1-17092024-09.47/

Musiques

Nouveau générique – King Crimson, 21st Century Schizoïd Man – https://youtu.be/7OvW8Z7kiws?feature=shared 
Pura Fé, Mahk Jchi – https://youtu.be/ZZE6WoMzE9o?feature=shared 
Storm Corrosion, Happy – https://youtu.be/KYkAiRxS4gA?feature=shared 
Harmonium, Vert – https://youtu.be/_LUuAG9oq8g?feature=shared 

À quelques heures du premier tour de ces élections législatives, il peut être intéressant de nous projeter dans le cauchemar du RN, du fascisme au pouvoir !
Imaginez le RN au pouvoir. 
Ce n’est déjà pas trop difficile parce que le macronisme a procédé à suffisamment de destructions et pris suffisamment de décisions pour nous donner des avant-goûts assez précis d’un fascisme installé. En fait, l’exercice d’imagination ne consiste plus qu’à pousser les curseurs un peu plus loin. 
Aussi loin que ce président et ses sbires nous ait fait avancer, il reste encore « de la marge » vers le pire et l’arrivée des fascistes au pouvoir. 
Adviendront les  temps où sera possible d’arrêter sans motif les leaders politiques hors champ institutionnel, de dissoudre des organisations ad nutum et sans recours, d’interdire par répression immédiate la moindre manifestation de soutien à quoi que ce soit, de promulguer des lois anti-syndicales interdisant de fait toute action aux salariés. Les cas des syndicalistes de la CGT ne sont-ils pas suffisants pour faire entrevoir ce que donnerait la généralisation de telles lois liberticides ? Mais aussi, n’oublions pas le cas de ces lycéens poursuivis jusque dans les salles de cours par des flics totalement décomplexés, pistolet à la main, et les entendre beugler : « Vous allez voir ce que c’est un vrai régime fasciste » ? N’est-ce pas suffisamment éloquent ?? 
Et en effet, on risque de voir cela après le 7 juillet ! 
On risque de voir la police fasciste, on risque de voir les autorisations de tirer à balles réelles dans les banlieues, sur les manifestants ou contre les « écoterroristes ». On voit déjà le désastre de la multiplication des « refus d’obtempérer » qui se soldent par la mort par balle sur un trottoir et, rapidement, on verra comment s’ouvre la voie au devenir chilien ou argentin des sous-sols de commissariat. 
On va voir aussi la justice fasciste à l’oeuvre avec sa politique pénale, ses instructions spéciales, ses nominations dans les parquets. En fait, on va voir, et le passé nous l’a déjà montré, et on le voit dans les pays proches, ce que c’est qu’une administration infestée de cadres racistes et fascistes, spécialement aux niveaux intermédiaires, loin des nominations décidées en conseil des ministres. Nous verrons ce que signifie réellement cette infestation managériale nauséabonde chez les proviseurs de lycée, les directeurs d’hôpitaux, les commissaires, les présidents de tribunaux, les officiers, je m’arrête là, la liste est tellement longue ! 
Pour l’université, partout où l’extrême droite et/ou des régimes autoritaires se sont imposés, leurs droits sont bafoués. Les expériences récentes de plusieurs pays (comme l’Argentine, le Brésil, la Hongrie, la Turquie, …) montrent que la liberté académique y est systématiquement attaquée (censures, licenciements, emprisonnements, réduction drastique des budgets et des postes, …).
Les irresponsables imbéciles qui se bercent de légèreté en se figurant qu’allez, on aura un équivalent de Meloni et que ça ne sera pas si terrible, n’ont aucune compréhension de ce que c’est que l’État français et de ce que signifie installer un état fasciste.
Cet exercice d’imagination introductif à ces Nowakowskismes restera très incomplet si nous nous arrêtons aux limites de l’appareil d’État. Car rappelons-nous que dans un régime fasciste bien ordonné, il y a un souci de travailler les « à-côtés » chargés de faire ce que l’état, quand même tenu à quelques obligations formelles de conduite, ne peut pas faire. Ces « à-côtés » caractéristiques des régimes fascistes, ce sont les milices en roue libre, les néonazis dans les rues – regarder l’Italie mais en France aussi – qui ne seront plus surveillés et peut-être même informés par les services de renseignement, la multiplication des descentes de flics arbitraires, les militants de gauche et écologistes identifiés et pourchassés avec la bénédiction de la police en service et le concours de policiers hors-service et c’est peut-être là le plus terrible, la fusion des deux milices, celle de la rue et celle de l’État. 
Même s’il faut avoir le cœur bien accroché pour supporter ce film, jetez quand même un oeil à Salò ou les 120 jours de Sodome de Pasolini pour comprendre ce qu’est la violence terrible de l’essence du fascisme faite de déchaînement pulsionnel et de violence politique sans limite. Rappelons que la violence politique sans limite, ça va jusqu’à l’assassinat.

Voilà vers quoi nous nous dirigeons si nous laissons arriver au pouvoir les fascistes du RN et voilà ce que nous, en paraphrasant Cyrano, nous, français, serons ces plus lamentables des êtres qui n’eûtes jamais un atome de culture, et de lettres n’ont que les quelques-unes qui forment le mot : ignares !

Bienvenue sur la 3e planète du système solaire !
Bienvenue sur la 3e planète du système solaire autour de laquelle à l’heure actuelle tournent plus de 11000 satellites, un chiffre qui évolue en permanence parce qu’il y a de nouveaux lancements tous les jours ou presque.
Bienvenue sur la 3e planète du système solaire qui a vu plus de 2000 satellites envoyés tous les ans.
Bienvenue dans ce monde dans lequel plus de 105 pays, ainsi que des dizaines de multinationales disposent de satellites.
Bienvenue dans ce monde dans lequel les États-Unis possèdent plus de 8000 satellites, la Russie 3600 et la Chine 900 et plus loin derrière la France en possède près de 180, l’Allemagne une centaine et l’Espagne près de 30.
Bienvenue sur cette planète dont les orbites basses, entre 500 et 2000 km, comportent 84% des satellites, dont les orbites intermédiaires, entre 2000 et 35000 km, comportent 3% des satellites et dont les orbites longues, au-delà de 35000km, comportent 12% des satellites 
Bienvenue sur la 3e planète sur laquelle chaque habitant utilise 50 satellites par jour. 
Bienvenue sur cette petite planète autour de laquelle tournent en orbite environ 36000 objets de plus de 10 cm avec parmi eux près de 10000 objets de grandes tailles comme les vieux satellites ou les étages de fusées, et bien sûr le tout agrémenté de tous les problèmes de pollution que tout cela induit.
Bienvenue sur la 3e planète du système qui comptera 100000 satellites d’ici 5 ans !
Bienvenue dans les Nowakowskismes, cette zone de haute densité de lutte.
Bienvenue dans les derniers Nowakowskismes de la saison 8.
Bienvenue dans les Nowakowskismes, le rendez-vous de la liberté, de la pensée, de la vie digne, les Nowakowskismes qui rappellent sans cesse qu’il faut mobiliser ce qui nous lie, ce qui nous tient ; les Nowakowskismes qui rappellent sans cesse que c’est notre humanité retrouvée qui nous sauvera tout entier.. 
Bienvenue en Chthulucène ! Dans le « présent épais » de ce temps « qui a été, qui est toujours, et qui pourrait encore être », afin de peupler nos imaginaires d’histoires qui ouvrent des brèches et défient la fin du monde. 

Bienvenue dans les derniers Nowakowskismes de cette année 23-24. Des Nowakowskismes qui n’ont cessé de rappeler que lorsqu’on écrira un jour l’histoire de celles et ceux qui, patiemment, méthodiquement, ont miné les digues séparant la droite de l’extrême droite, il sera indispensable de s’intéresser en premier lieu aux milieux politiques, médiatiques et industriels, dans lesquels ont agi les véritables architectes du chaos. Ils n’ont cessé de rappeler, et ce depuis toutes ces années, qu’il ne faudra pas pour autant négliger l’accablante responsabilité des intellectuels publics qui leur ont facilité la tâche. Comment ? En rabotant une à une les défenses des valeurs et des imaginaires politiques par un travail de sape sémantique, par une destruction organisée par la saturation des médias à la botte de leurs concepts rances et en tordant le sens des mots et en s’emparant sans vergogne de certains noms propres pour en faire des étendards factices et mensongers, détournant ce qui fait sens, ce qui était porteur de lumière et de liberté en en éliminant les contextes, en gommant… salir des mots, des concepts, des actes détournés, pervertis, salis par ceux que ces mêmes mots, ces mêmes concepts, ces mêmes actes dénonçaient ! 

Alors où en sommes-nous ? 
Le consumérisme a détruit le monde. L’objet de consommation étant par définition éphémère, il ne permet pas de stabiliser un sens, de façonner un monde où l’orientation des humains est possible. Un monde où tout devient consommable n’est plus un monde. Guy Debord l’écrivait autrement dans la société du spectacle pour qui « Outre le travail, c’est la consommation qui aliéne les hommes. Au lieu de vivre nos désirs, nous adoptons inconsciemment ceux que nous impose la société de consommation, par le biais de la publicité ». Notre monde a disparu car, comme il est connu, nous sommes désormais entourés d’objets dont l’obsolescence est programmée. La machine à laver est programmée pour dysfonctionner au bout de quelques années, composée de pièces voulues non réparables. Un téléphone ou un ordinateur sont programmés pour bientôt ne plus être capables d’installer d’importantes mises à jour, ou tout simplement devenir inefficaces par rapport à la puissance de nouveaux appareils. Mêmes les relations sociales sont devenues jetables, tant leur stabilité n’est plus désirée, mais plutôt évitée voire imposée.
Guy Debord le dit. Comme la consommation, la prédominance du travail a détruit le monde. Le travail s’est contenté de construire de l’utile et l’utile est quelque chose dont on se sert. S’en servir, c’est l’user, le consommer, le faire disparaître peu à peu. Alors que pendant des millénaires le travail a été considéré comme un fardeau, souvent réservé aux esclaves, aux exclus du monde, cette société lui a accordé une valeur de plus en plus importante, exaltant par là des forces de disparition du monde. Même le jour (ou deux) de repos hebdomadaire ne peut, pour l’humain moderne, que constituer des occasions de régénérer sa force de travail et revenir reposé à son poste de travail. D’ailleurs, ce temps prétendument libre relève de la survie dans ce monde. Le temps des vacances, étymologiquement le temps du vide, est lui aussi rentabilisé, programmé, donc travaillé. Malheur à celui qui, pendant les vacances, « perd son temps ». Tout doit être consommé, tout doit disparaître, tout doit être production même de vide.
L’isolement du travailleur a aussi détruit le monde. Alors que le travail moderne aurait pu contribuer à faire monde s’il avait apporté du liant social, s’il avait contribué à créer du commun, il a plutôt agrégé les êtres humains en une « masse indifférenciée où chacun se trouve écrasé contre l’autre, l’autre est un concurrent ». Subissant les forces débridées du capitaliste, les humains sont presque tous contraints de travailler pour leur survie, survie qui rend leur existence précaire, dénuée là encore de fondations. Réduits à ce même statut, les travailleurs pourraient au moins trouver dans cette égalité un motif de solidarité, et ainsi commencer à former un monde. Mais même cela n’est plus possible. L’entreprise se charge de faire oublier cette envie en donnant aux travailleurs une illusion de lien social grâce à une table de ping-pong ou un baby-foot installés près de la machine à café et les conseils des « happiness managers ». 
Alors que la plupart des travailleurs ne sont pas dupes de cette supercherie, de cette lubrification sociale forcée et encore destinée à l’augmentation de la productivité générale, ils peinent toujours pour construire un monde. Pour cela, il leur faudrait créer du commun, or, au-delà des portes de leur domicile, de leur syndicat ou de leur entreprise, qu’y a-t-il ? Les concurrents, les autres survivants. Au mieux, aujourd’hui, dans un système qui est moins celui du désir que du besoin, une association (ou plutôt une coïncidence d’intérêts) tiendra le temps de quelques manifestations, puis il faudra bien que chacun revienne à sa survie. 
Alors en ces temps dans lequel nous vivons bizarrement suspendus à l’approche de cataclysme fasciste, il nous faut maintenant, réfléchir, analyser, penser et nous rappeler que nous organiser c’est toujours se donner les moyens d’une intelligence collective. Pour que ça ait lieu, qu’il y ait une véritable association, il faut quelque chose d’imprévu, à savoir un acte de foi, une confiance, un pari à l’égard de l’autre et de la société et nous l’avons, c’est la nouveau front populaire alors faisons front populaire pour faire monde ! Et aussi veiller à ne pas gâcher cet espoir ! 

Qu’est-ce qu’un monde ? 
Or, pour qu’il y ait monde, il faut « faire monde ». 
Il faut assembler des morceaux, unifier du divers, donner un sens. La nature seule n’est pas un monde : elle est sans bornes ni centre, sans « théorie du tout » pour les physiciens, objet d’équations efficaces mais dénuées de pourquoi. La nature n’est pas chaotique non plus : elle est, tout simplement. Ce sont aux êtres capables de penser le sens des choses qu’incombe la tâche de faire monde – aux humains, donc, ou du moins aux êtres conscients. Or les humains modernes font-ils encore monde ?
Il nous faut hurler OUI ! 
Parce que l’époque n’est plus aux demi-teintes. À la grise mine. Il est temps de battre le capitalisme sur le terrain du désir. Il est temp de déployer nos sensibilités, de hisser nos couleurs, nos valeurs, nos envies. Qu’elles prennent corps. Il est temps de faire bruisser ce monde qu’on veut voir advenir, d’en faire sentir la poussée végétale, le soleil de liens, les puissances animales qui nous traversent et la vitalité qu’on en tire dans nos rapports au dehors et aux autres. On ne changera pas cette société sans apprendre, ni explorer ni expérimenter, sans créer les conditions nécessaire à l’orgone, cette énergie vitale qui fera naître la liberté collective de combattre, et de passer progressivement de ces murs qu’on cogne à coups de poings à la fenêtre qu’on y ouvre. 
Germer, éclore, fleurir, faner, pourrir, mourir, renaître ? Être en mouvement, tout simplement, en accepter les étapes et les cycles, l’inconfort et les bonheurs conquis. 
Les araignées que nous sommes devenus produisent en boucle infinie des toiles mortelles avec de la fibre optique. À nous de faire autrement, de retrouver notre nature d’humain vivant et faire de nos tripes le tissu du métissé, du vivre ouvert, le fil à plomb de nos rectitudes éthiques, le fil d’Ariane qui, par une nouvelle ontogenèse, nous permettra de fuir le labyrinthe du Marché, des inégalités bétonnées et de l’injuste comme condition sociale. À nous, avec ces fils, de tisser l’étoffe de nos étendards que nous brandirons au devant de cette armée vagabonde et anarchiste. Et ça passe par une culture qui manque encore, qu’on doit densifier et enrichir puis aérer et faire croître. 
Cette culture est une culture du vivant, comme on parle d’une culture de la cuisine ou du rock qui ne peut pas se réduire à un corpus de connaissances qui ne serait enseignée qu’à une élite. Cette culture relève de pratiques populaires, de jeux collectifs, de trocs de trucs et de transmissions sensorielles. Elle s’alimente d’histoires et de rencontres, de foin fauché et de rituels musicaux encrant la mémoire commune d’anecdotes, de pistage et de cueillettes vécues, de fêtes qui font date et d’actes qui comptent.
Apprendre à écrire, à jouer, à filmer, à danser, à peindre le monde sur soi plutôt que soi sur le monde. 
Apprendre à pister le chevreuil, à habiter en oiseau, à construire un abri, à croire aux fauves. 
Apprendre à trouver de l’eau, à sculpter l’air avec sa voix, à cultiver la terre, à faire un feu, à être Jeremiah Johnson. 
Apprendre à mener une action directe, à inventer de nouveaux modes de lutte, à déconstruire nos oppressions, à aider des réfugiés. 
Savoir gouverner en vrai partage, devenir intelligent à plusieurs et cuisiner pour tous. 
Apprendre à l’ouvrir, à la fermer parfois, à écouter sans subir, à s’émanciper des normes. 
Apprendre à apprendre, sans rien prendre qu’on ne puisse redonner. Comprendre qu’un jour peut-être, la seule croissance que nous supporterons sera celle des arbres et des enfants. Que nous sommes le vivant qui se défend, qui respire, qui conspire… et qui se détend.
Avec cet espoir d’approcher un peu plus des mondes qu’on veut faire rayonner. Et d’en devenir abeille sauvage, capable de danser des cartes et de pollenniser  ici et ailleurs, les contre-champs.
Au bout de tout coule le miel, la vie et nos amours… 

Voilà le temps des Nowakowskismes est terminé pour ce soir. Pour le dernier soir, il nous fallait un grand, alors c’est avec Victor Hugo et Les misérables que nous nous quittons : « L’aurore ose quand elle se lève. Tenter, braver, persister, persévérer, s’être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête ; voilà l’exemple dont les peuples ont besoin, et la lumière qui les électrise ».
À méditer en ce temps sombres et surtout n’oubliez pas d’aller voter le 30 juin et le 7 juillet !

Sources, inspirations et références 
https://blog.mondediplo.net/sale-tartine
https://entre-temps.net/dans-le-front-populaire-le-vrai-celui-des-foules/
https://www.ecoledesvivants.org
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/very-good-trip/very-good-trip-du-mardi-18-juin-2024-9221771

Musiques 
Victor Deme – https://youtu.be/jx_xlyvgPOA?si=2pyPgOMvQr8lCplJ 
Chris Smither – https://youtu.be/lCVckm6nTT4?si=9kKALlCSytSlAR2V 
Tool – https://youtu.be/qJq9y9xPKWs?si=MGT1Zep73zsM7ly5 

Podcast – https://hearthis.at/radio-campus-lorraine-mu/nowakowskismes-8.21-26062024-08.14/